Prix d'excellence en architecture, catégorie Mise en valeur du patrimoine – conversion
À Québec, une grande halle industrielle qui abritait autrefois une foire agricole accueille maintenant un ensemble de services alimentaires : voilà une conversion dans la continuité.
Le marché du Vieux-Port logeait dans un bâtiment exigu qui ne répondait plus aux besoins des commerçants de la capitale. Pendant ce temps, au site d’ExpoCité, le Pavillon du commerce sommeillait, en attente d’une nouvelle vocation. Avec sa grande halle, il était tout indiqué pour accueillir le grand marché central dont souhaitait se doter la Ville de Québec.
Situé au cœur de la ville, le site avait en outre le potentiel d’attirer une plus vaste clientèle que celui du Vieux-Port. « La centralité du lieu, desservi par plusieurs artères, en fait un site très accessible depuis plusieurs arrondissements », explique Marie-Josée Savard, responsable de l’aménagement du territoire et du patrimoine à la Ville de Québec.
Construit en 1923, le bâtiment n’avait pas de statut patrimonial officiel. Néanmoins, sa structure d’acier caractéristique des bâtiments industriels de l’entre-deux-guerres et sa façade de briques présentaient une valeur patrimoniale à laquelle tenait la Commission d’urbanisme et de conservation de Québec. Or la structure ne répondait pas aux normes sismiques actuelles, tandis que l’éclairage laissait à désirer. « C’était une grande halle assez sombre avec des lanterneaux, mais peu de lumière naturelle », dit Jonathan Bisson, architecte associé chez Bisson & associés, chargé de projet pour la conception et la construction du Grand Marché.
Cette dernière firme a fait équipe avec l’Atelier Pierre Thibault afin de mener cet exercice d’équilibriste qui consistait à préserver et mettre en valeur l’ancienne halle industrielle tout en l’adaptant aux normes et aux besoins d’aujourd’hui.
Une seconde structure en renfort
Suivant les plans que les deux firmes ont dévoilés en juin 2017, les seules interventions sur l’enveloppe du bâtiment ont consisté à la percer pour y installer des fenêtres et faire entrer la lumière du jour. « L’idée était de créer un échange entre l’intérieur et l’extérieur, d’ouvrir le bâtiment sur la place Jean-Béliveau », précise Caroline Lamonde, architecte, chargée de projet au service de la gestion des immeubles de la Ville de Québec.
« On a gardé la toiture, qui avait déjà été isolée et étanchéifiée, ajoute Jonathan Bisson. On a rejointoyé et consolidé, mais on n’a pas reconstruit [les murs]. On a volontairement laissé visibles les surfaces raboteuses des briques pour préserver la mémoire du lieu. Et on a mis la structure d’acier en valeur en la peignant en noir, en contraste avec la nouvelle structure blanche. »
En effet, à l’intérieur de ces murs ajourés, une nouvelle structure d’acier, indépendante de l’ancienne a été installée afin d’assurer la protection sismique requise. Elle est supportée, ainsi que toutes les installations intérieures du marché, par une dalle de béton structurale, elle-même soutenue par 550 pieux dans le sol.

Faciliter l’orientation
Le nouveau marché, inauguré en juin 2019, rassemble non seulement des kiosques maraîchers, mais aussi des services de restauration, une vitrine technologique, des camps culinaires, un incubateur d’entreprises alimentaires et des installations de jardinage urbain.
Conçu comme un village avec ses commerces, l’espace est quadrillé par une rue principale et des rues secondaires, en plus de comporter une place publique.
La hauteur de la halle permettait aussi d’exploiter la troisième dimension en érigeant des mezzanines reliées par des passerelles. « On avait un programme bien rempli qu’on ne pouvait pas faire entrer sur un seul étage », indique Caroline Lamonde. « On a créé des boucles de circulation qui donnent des points de vue à 360 degrés. C’est le principe de l’architecture à échelle humaine qui permet de se repérer », décrit Jonathan Bisson.
La structure des mezzanines et des passerelles a aussi l’avantage de dissimuler la mécanique du bâtiment et notamment les hottes d’extraction des cuisines. « Il y avait beaucoup de gros tuyaux à intégrer dans l’environnement sans que ça ait l’air d’une grosse machine », commente Jonathan Bisson.
Voisin du Centre Vidéotron et ouvert sur la place Jean-Béliveau, le Grand Marché contribue maintenant à faire revivre le site d’ExpoCité. Et selon Marie-Josée Savard, il joue un rôle de liant entre les quartiers qui, même après les fusions municipales, restaient cloisonnés comme les anciennes villes.
Le Grand Marché n’est donc pas seulement central, il est aussi rassembleur.
EMPLACEMENT : Québec
CLIENT : Ville de Québec
ARCHITECTES : Bisson & associés : Jonathan Bisson, chargé de projet ; Atelier Pierre Thibault : Pierre Thibault, chargé de conception
INGÉNIERIE : EMS Ingénierie ; WSP Canada
ENTREPRENEURS : Construction Citadelle; Construction Richard Arsenault
Commentaires du jury
C’est en particulier l’aménagement intérieur de cet ancien Pavillon du commerce d’ExpoCité, converti en marché public, qui a retenu l’attention du jury. Les architectes ont su conserver et souligner plusieurs composantes significatives de cette halle industrielle construite en 1923 (entre autres son plafond de bois, ses murs de briques et sa structure d’acier), tout en y créant un espace élégant, serein et lumineux où les teintes de blanc et de bois naturel dominent. Les boutiques et les étals s’y insèrent avec une discrétion rare dans un tel projet commercial, tout comme l’importante mécanique que requiert le nouveau programme, qui réussit à se faire oublier. Un projet concluant de requalification du patrimoine industriel du début du 20e siècle.
Finaliste
Le repositionnement de Place Victoria, Saucier + Perrotte
Photo : Maxime Brouillet