Le jury des Prix d’excellence de l’OAQ n’a pas échappé au raz-de-marée de la COVID-19. Les délibérations ont été reportées, les discussions ont eu lieu par écran interposé, mais cette formule inédite n’a en rien diminué la rigueur du travail d’analyse et d’évaluation qu’a mené le jury. Retour sur une année singulière.
Ils devaient se réunir en mars dans un grand hôtel du centre-ville de Montréal. C’est plutôt de la fin avril à la mi-mai, à partir de leurs domiciles ou bureaux de Paris, de Québec et de Montréal, que les architectes Dominique Jakob (présidente du jury), Jean-Maxime Labrecque et Dominique St-Gelais ainsi que la comédienne Anne-Marie Cadieux (représentante du public) ont pris part à quatre demi-journées bien tassées de délibérations à distance, sous l’œil attentif de Jacques White, directeur de l’École d’architecture de l’Université Laval et conseiller professionnel des Prix.
« Je ne voulais pas que ça paraisse [que le jury se réunissait à distance] – et je crois que ça a très bien marché », estime ce dernier, qui s’activait sans relâche pendant les séances de travail pour mettre à jour en temps réel un savant tableau de suivi du classement, présenter à l’écran les photos et plans des projets et animer les échanges.
Des visions complémentaires
Si tous les membres du jury s’entendent pour dire que la qualité architecturale relève de l’alliance heureuse d’un ensemble de critères, chacun d’eux a teinté le débat de sa propre sensibilité.
Dominique Jakob connaissait peu la production architecturale québécoise, mais y a vu un avantage : « Je n’ai pas d’a priori, je ne connais pas les architectes; je regarde les projets pour leurs qualités propres », déclarait en préambule des délibérations la présidente du jury, qui s’est particulièrement intéressée à la dimension novatrice des projets pendant les échanges.
« Ce qui m’importe au plus haut point, c’est la démarche conceptuelle derrière les projets et leur expressivité – au-delà de mes convictions personnelles », expliquait pour sa part Jean-Maxime Labrecque.
Dominique St-Gelais a insisté sur l’expérience des usagers : l’entretien, l’acoustique et la durabilité, notamment. « L’architecture, c’est beaucoup plus qu’une œuvre d’art, précisait-elle. Il faut innover, oui, mais aussi se rappeler que les projets sont faits pour des gens qui vont les occuper, les exploiter, les entretenir. »
La comédienne Anne-Marie Cadieux, qui nourrit en parallèle de son métier un vif intérêt pour l’architecture, a quant à elle abordé le mandat avec la volonté de valoriser l’apport de la profession à la société : « L’architecture apporte beaucoup à nos milieux de vie : la beauté, l’ingéniosité, l’intégration au paysage… Je veux que l’architecture demeure au cœur de nos préoccupations et de celles de nos dirigeants. »
« Les architectes savent l’importance de la qualité des espaces de vie domestique, mais nous avions parfois du mal à faire passer ce message. Maintenant, il y a une prise de conscience collective à cet égard. »
– Dominique Jakob
Mieux vivre le confinement
La crise sanitaire s’est par moments invitée dans les discussions, notamment en ce qui a trait aux projets résidentiels. Pour Dominique Jakob, qui a fait valoir les mérites des projets permettant de mieux vivre le confinement, la situation a mis de l’avant une préoccupation de longue date. « Il y a longtemps que les architectes savent l’importance de la qualité des espaces de vie domestique, mais nous avions parfois du mal à faire passer ce message, explique-t-elle en entrevue. Maintenant, il y a une prise de conscience collective à cet égard. »
Justement, le jury a noté la haute qualité des intérieurs des projets résidentiels soumis. Les catégories des résidences unifamiliales en milieu urbain et en milieu naturel, en particulier, rassemblaient de nombreux projets entre lesquels le choix a été ardu.
La rigueur au rendez-vous
Certes, chacun face à son écran, la convivialité n’était pas la même. « C’est dommage de ne pas avoir pu profiter des moments de pause pour tenir des discussions plus larges », reconnaît Jean-Maxime Labrecque tout en soulignant être ressorti « grandement enrichi » de cette occasion de se plonger dans le travail de ses collègues.
« La qualité des échanges était au rendez-vous, affirme aussi la présidente du jury. Le travail était peut-être même plus rigoureux, parce que par vidéoconférence, tous se concentrent sur la personne qui parle. Il n’y a pas eu de moments de désordre. » Les délibérations sont terminées et les prix, attribués, mais la discussion doit continuer dans la sphère publique, souligne Jacques White : « L’objectif des Prix est d’alimenter les débats sur l’architecture. Les projets primés deviennent des points de comparaison. » À vous la parole !
Dominique Jakob, architecte et présidente du jury

Photo : Alexandre Tabaste
Dominique Jakob est diplômée de l’École d’architecture Paris-Villemin et titulaire d’une licence en histoire de l’art (Université Paris I). Elle a enseigné à l’École d’architecture Paris-Villemin et Paris-Malaquais, à l’École spéciale d’architecture (Paris) et au Southern California Institute of Architecture de Los Angeles. Membre titulaire de l’Académie française d’architecture depuis 2016, elle a aussi été nommée Femme Architecte de l’année 2019 par l’Association pour la recherche sur la ville et l’habitat. En 1998, elle a cofondé avec Brendan MacFarlane l’agence Jakob + MacFarlane, qui se définit comme un laboratoire expérimental en architecture tourné vers la transition environnementale et la culture du numérique. On leur doit notamment le Cube Orange, à Lyon, et le Frac Centre, à Orléans.
Jean-Maxime Labrecque, architecte

Jean-Maxime Labrecque a lancé INPHO Architectures physiques et d’information le 1er janvier 2000. Inspirée du Bauhaus, sa démarche vise à enrichir l’acte d’architecture et à décloisonner les disciplines. Parmi les commandes qui ont marqué sa pratique figurent une contribution de 10 ans à la conception du Musée Chaplin, en Suisse, et un mandat de consultation en Inde effectué en 2008 pour le groupe Arcop. Sa pratique s’étend aussi aux arts visuels et graphiques, à la photographie, au mobilier, au dessin et à l’écriture, et il enseigne à l’Université Laval et à l’Université de Montréal. Ses réalisations lui ont valu plus de 25 prix à des concours d’architecture, de design et de design graphique.
Dominique St-Gelais, architecte

Fille de l’architecte Évans St-Gelais, Dominique St-Gelais baigne dans le monde de l’architecture depuis l’enfance. Après ses études à l’École d’architecture de l’Université Laval, elle poursuit sa formation sous le mentorat de son père, puis cofonde en 2001 STGM architectes, qui compte aujourd’hui plus de 120 employés. Elle a collaboré à plusieurs réalisations d’envergure, dont le nouveau campus de l’École nationale de police du Québec, situé à Nicolet, et le Palais Montcalm, à Québec. Grâce à ses habiletés en gestion de projet et en développement des affaires, elle s’oriente avec le temps vers la direction d’équipes. Ses collaborateurs peuvent cependant compter sur son excellente capacité d’analyse du processus de conception pour éclairer l’élaboration des projets de la firme.
Anne-Marie Cadieux, comédienne, représentante du public

Photo : Julie Perreault
Anne-Marie Cadieux est une comédienne aimée du public et estimée de la critique. Au théâtre, elle a notamment travaillé avec les grands metteurs en scène Robert Lepage, Brigitte Haentjens et Serge Denoncourt, et a reçu à quatre reprises le prix Gascon-Roux de l’interprète féminine de l’année. Au cinéma, on l’a notamment vue dans Le confessionnal (prix Luce-Guilbeault) et Nô, de Robert Lepage, Le cœur au poing, de Charles Binamé (prix Jutra), The Trotsky et Good Neighbours, de Jacob Tierney, ainsi que Matthias et Maxime, de Xavier Dolan. À la télévision, elle s’est illustrée par ses rôles dans Annie et ses hommes, Rumeurs, Miss Météo et Cover Girl (prix Gémeaux).