L'excellence en architecture doit dorénavant aller de pair avec la réponse à l'urgence climatique
Cette année encore, Esquisses consacre un de ses numéros aux distinctions et aux Prix d’excellence en architecture remis par l’OAQ. Nous y faisons l’éloge des projets lauréats, des difficultés qu’il aura fallu surmonter pour en atteindre les objectifs, de la richesse des collaborations qui y ont mené… Nous nous penchons également sur certaines carrières remarquables d’architectes et de non-architectes. Je tiens à affirmer mon admiration pour le travail des architectes, équipes, clients et clientes qui sont arrivés à pareils résultats à force de compétence et de persévérance, et à exprimer ma reconnaissance envers le jury, qui a consciencieusement analysé, comparé et récompensé les projets soumis.
Il y a en effet eu, cette année encore, un magnifique travail que je vous invite à apprécier au fil des pages qui suivent.
Mais…
Nous sommes à un tournant obligé où la définition même d’excellence doit absolument être repensée. On ne peut plus nier l’évidence, notre planète ne peut plus nous supporter tels que nous sommes.
Nos politiques économiques doivent être ajustées, nos manières de consommer doivent être adaptées. Nous devons rapidement revoir nos réflexes sociaux et professionnels pour répondre à l’urgence climatique et à l’épuisement des ressources. Le dernier rapport du GIEC, paru le 4 avril dernier, est sans équivoque : c’est maintenant ou jamais.
Un devoir collectif
Nous ne pouvons plus vivre comme avant. Il faut faire ce deuil pour que la vie continue et reste belle, autrement. En tant qu’architectes, nous devons nous solidariser au mouvement, voire en porter fièrement l’étendard. Notre excellence doit passer par la réduction de notre empreinte climatique et écologique, à court et à moyen terme. Or, le constat du jury des Prix d’excellence soulève un malaise : les projets qui lui ont été soumis ne font preuve d’aucune ardeur à cet égard.
Qui plus est, l’effort individuel ne suffit plus. Il faut des règles fortes émanant de l’ensemble des instances décisionnelles pour que l’action des uns ne soit plus annihilée par l’insouciance des autres. Il peut sembler naïf de croire qu’on pourra améliorer les choses, mais dans la situation actuelle, cette supposée naïveté est une nécessité, et l’engagement, un devoir.
Et heureusement, le même rapport du GIEC confirme que les politiques et règlements sont efficaces lorsqu’ils sont pensés globalement et appliqués consciencieusement.
Pour une vision commune
L’Ordre travaille depuis longtemps avec le gouvernement du Québec à élaborer une vision commune pour améliorer la qualité architecturale au Québec. Il a largement contribué à ce qui est en train de devenir la Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire. Dès le début de cette collaboration, le gouvernement a affirmé son intention de généraliser un environnement bâti dont la population du Québec sera fière et grâce auquel elle pourra s’épanouir.
L’Ordre insiste sur l’importance pour le Québec de se donner les moyens de ses ambitions. Il faut notamment généraliser une commande publique rigoureuse dans l’expression des besoins et consciente de la réalité du processus de conception. Il faut aussi mettre en place un cadre réglementaire cohérent et ambitieux, permettant d’atténuer les impacts climatiques et écologiques de la construction. Enfin, il faut sensibiliser les Québécoises et les Québécois à l’apport bénéfique de l’architecture dans leur vie de tous les jours.
Espérons-le, la vision commune qu’adoptera le gouvernement conduira les parties prenantes de la construction à bonifier leurs pratiques. Si tel est le cas, la qualité architecturale perdra peu à peu sa connotation élitiste pour entrer dans le registre du nécessaire, du long terme et du bien-être commun.
Les réalisations lauréates des Prix d’excellence en architecture le montrent : les architectes du Québec ont la compétence et le talent pour concevoir des lieux qui émeuvent, enveloppent, magnifient, racontent et font sens. Cet élan qui les anime doit être encouragé, célébré, émulé. Il doit aussi être canalisé vers un avenir radieux qui permette à tous et à toutes d’avoir hâte à demain.