L’équipe d’APPAREIL Architecture a su concrétiser une vision novatrice, née de son propre programme de recherche et développement, pour créer une microhabitation accueillante qui démocratise l’architecture.
Pendant la pandémie, APPAREIL Architecture recevait beaucoup d’appels de gens qui voulaient lui commander des chalets, mais dont le budget restait relativement modeste. Cependant, le contexte particulier avait fait exploser les coûts de réalisation de telles habitations.
« Nous avons commencé à réfléchir à la conception d’un petit chalet préfabriqué, expose l’architecte Kim Pariseau. Ce n’est pas que le coût final est beaucoup plus bas avec ce procédé, mais plutôt qu’il demeure très prévisible. »
Son collègue, l’architecte Marc-Olivier Champagne-Thomas, précise que cela rejoint une idée forte de la firme : réduire la superficie pour rehausser la qualité. « Nous voulions créer une petite habitation, dont la qualité des espaces et des matériaux serait élevée », résume-t-il.
L’appel d’une amie
L’équipe élabore le projet à l’interne, sans calculer ses heures et sans savoir comment il sera rentabilisé. Elle met l’accent sur l’acquisition d’une expertise qu’elle pourra ensuite décliner dans d’autres projets.
Le débouché viendra finalement d’une amie de Kim Pariseau, Pascale Villeneuve, copropriétaire du site de villégiature Méandre Haute Mauricie, à La Tuque. « Nous possédons des terrains de camping et des refuges, et nous voulions ajouter une option plus luxueuse, raconte cette dernière. J’ai appelé Kim et j’ai appris qu’elle travaillait déjà sur un projet de microcabine. »
La cliente s’est entendue avec les architectes pour concevoir un bâtiment qui était peu plus grand que celui qu’elle imaginait au départ et qui pourrait accueillir confortablement une famille de quatre personnes. Les architectes lui ont aussi proposé de prévoir une chambre en retrait de l’espace commun.
Une approche rapide, mais complexe
Cette minihabitation est pensée comme un objet qui se dépose directement sur des pieux et génère donc une empreinte au sol minimale. Elle se compose de trois modules : la cuisine et la salle de bain, l’espace de vie principal et la véranda. « Le transport par camion constituait une grande contrainte, souligne Marc-Olivier Champagne-Thomas. Les modules ne pouvaient pas dépasser une hauteur de 3,4 m pour passer sous les viaducs, et une largeur de 3,7 m. Nous avions aussi limité la longueur à 6,1 m, afin d’éviter les coûts supplémentaires liés à la livraison d’un produit plus long. »
Les modules étaient transportés avec les fenêtres et le fini intérieur déjà installés. Une fois les modules assemblés sur le site, il ne restait plus qu’à y ajouter la toiture. « La rapidité d’installation constitue un des avantages de travailler avec des modules préfabriqués, précise Kim Pariseau. Les deux microcabines ont été montées en trois jours. »
Ce procédé présentait un autre atout majeur : il limitait grandement le besoin de main-d’œuvre. « Nous sommes situés à 25 km du secteur urbain de La Tuque, et ce n’est pas évident de trouver des entrepreneurs qui acceptent de se déplacer, donc cette formule s’avérait idéale pour nous », indique Pascale Villeneuve.
Ce mode de fonctionnement comporte tout de même sa part de défis. « On doit vraiment tout planifier correctement, car on ne dispose pas de marge de manœuvre sur le chantier, admet Kim Pariseau. Quand la grue dépose les modules sur les pieux, il faut que ça marche. »

Le souci du design
Le projet vise aussi à témoigner de la manière dont l’architecture peut créer des espaces qui, tout en étant de grande qualité et très fonctionnels, restent abordables. Le défi devient alors de concilier simplicité, faibles coûts et qualité. Les architectes ont donc beaucoup soupesé leurs choix esthétiques.
« Nous ne voulions pas que ça ait l’air d’une maison préfabriquée ni que les gens puissent percevoir les modules, note Marc-Olivier Champagne-Thomas. Nous ne désirions pas non plus tomber dans la recherche formelle. Nous souhaitions que ça reste une architecture vernaculaire. » La toiture métallique à deux versants rappelle d’ailleurs les toits des maisons patrimoniales.
Préserver l’environnement
Plusieurs critères environnementaux ont en outre été pris en compte. Les architectes et leur cliente voulaient préserver la forêt environnante, notamment en évitant de couper des arbres. La volonté de protéger la rive de la rivière Croche, qui traverse le site, a aussi incité l’équipe à situer l’habitation en retrait.
« Construire sur le bord de l’eau signifie généralement défricher, mais notre rive est composée de sable et d’argile, ce qui la rend vraiment fragile, explique Pascale Villeneuve. Si on y enlève des arbres, des bouts de rive se défont et disparaissent. » Du chalet, on ne voit donc pas le cours d’eau, mais on y accède très facilement.
Les architectes ont en outre prévu une isolation qui dépasse les normes en vigueur. Au besoin, la petite habitation peut devenir autonome en énergie grâce à des panneaux solaires et à des batteries. Quant à la ventilation, elle se fait naturellement à l’aide des fenêtres, disposées de manière à créer des corridors de vent. Enfin, l’équipe a favorisé les matériaux locaux, comme le bois de cèdre.
Kim Pariseau croit que l’accès à cette nouvelle construction peut aider à démocratiser l’architecture. « Souvent, les gens ont l’impression que les maisons d’architecte, c’est du luxe, souligne-t-elle. En séjournant dans cette microcabine, ils peuvent comprendre que notre rôle n’est pas que de réaliser des œuvres d’art, mais de créer des espaces bien conçus pour améliorer leur qualité de vie. »
Photos : Félix Michaud (projet fini)
et Pascale Villeneuve (projet en construction)
Illustration : APPAREIL Architecture
Commentaires du jury
L’utilisation de techniques de préfabrication a attiré l’attention du jury dans cette réalisation. Les architectes ont brillamment conçu une solution à la fois abordable, simple à ériger et polyvalente, en prenant en considération les défis liés à l’implantation, à l’espace, au transport, aux matériaux et à l’efficacité énergétique.
- Année de livraison 2023
- Emplacement La Tuque
- Cliente Pascale Villeneuve
- Architecture APPAREIL Architecture
- Entrepreneur Mabarak
- Ingénierie
D.T.A Consultants
Alexandre Gagnon ingénieur en structure
