Prix d’excellence en architecture 2022, catégorie Bâtiments culturels
Rapprocher le public de la nature, voilà le défi qu’a relevé le projet Migration du Biodôme, lauréat du Prix d’excellence en architecture dans la catégorie Bâtiments culturels.
Le Biodôme de Montréal est l’un des musées les plus visités au pays. Ce bâtiment conçu par Roger Taillibert, qui abritait à l’origine le vélodrome des Jeux olympiques de 1976, a été transformé une première fois en 1992 pour y accueillir quatre écosystèmes. Près de 30 ans plus tard, il a subi une nouvelle métamorphose.
C’est la firme d’architecture montréalaise KANVA, en collaboration avec NEUF architect(e)s, qui a remporté le concours d’architecture organisé en 2014 par Espace pour la vie, l’organisme responsable de l’exploitation du Biodôme, du Planétarium, de l’Insectarium et du Jardin botanique de Montréal.
Fondée en 2003 par Rami Bebawi et Tudor Radulescu, KANVA est un collectif d’architectes qui a notamment travaillé à la réalisation du Centre des sciences de Montréal et, plus récemment, à l’installation artistique TRACES, déployée devant le pavillon du Canada à l’Expo de Dubaï en 2020.
Le projet de revitalisation du Biodôme a occupé l’équipe durant six ans. « C’est devenu notre lieu fétiche, dit Rami Bebawi, associé de la firme et architecte responsable du dossier. On y est tous très attachés. Après six ans de travail, je suis fier de m’y rendre, encore et encore, et de le faire redécouvrir à mes enfants. »
Expérience renouvelée
Le mandat du consortium était double : transformer les espaces publics du bâtiment, incluant les parcours menant aux cinq écosystèmes (un de plus qu’auparavant), en plus d’améliorer l’expérience immersive des visiteurs et visiteuses. Pour les architectes, les deux volets allaient de pair.
« Le Biodôme joue un rôle important dans la sensibilisation des humains à la complexité des environnements naturels, en particulier dans le contexte actuel des changements climatiques. Nous avons voulu mettre de l’avant cette sensibilité », souligne Rami Bebawi.
Il n’y a pas qu’une façon de visiter le Biodôme. Depuis la récente métamorphose des lieux, les membres du public sont maintenant libres de suivre leur propre itinéraire à travers les cinq écosystèmes, à leur rythme et à leur guise. Cela permet de découvrir les collections vivantes de façon plus naturelle, comme on le ferait dans une véritable forêt, par exemple.
Au centre, un hall entièrement blanc ponctue les déplacements. « Le blanc réduit les stimuli, explique Rami Bebawi. Nous avons ajouté une légère pente dans le tunnel d’entrée, qui est très subtile, mais qui permet de ralentir le pas. Les visiteurs peuvent ainsi faire le vide avant de s’approprier les nouvelles expériences sensorielles. » Une blancheur qui met également en valeur le patrimoine olympique des lieux. Cet effet est obtenu au moyen d’une membrane textile courbée continue, appelée la « paroi vivante », qui enveloppe chaque écosystème et la recouvre comme une peau, une technique encore jamais utilisée à cette échelle au Québec.

Photo : James Brittain
Éveiller les sens
Ainsi, avant même qu’une personne entre dans les écosystèmes, ses sens sont stimulés par le climat, les odeurs, les sons. À l’entrée des régions subpolaires, un tunnel de glace la fait frissonner, tandis que les bruits et les odeurs des alcidés et des manchots lui parviennent avant qu’elle découvre sa « destination », cachée derrière des rideaux de billes.
« Nous avons choisi de hiérarchiser les sens afin que la vue arrive en dernier », dit l’architecte. Ainsi, le public ressent d’abord le contraste de températures entre les écosystèmes avant d’embrasser la scène du regard. « C’est un moment d’émerveillement », affirme Rami Bebawi. Et c’est précisément l’effet que souhaitait le maître d’ouvrage.
« En 2009, afin d’engager les citoyennes et citoyens dans une nécessaire transition écologique, Espace pour la vie a mis sur pied un plan de développement ambitieux, dont l’intention était de favoriser la reconnexion à la nature en offrant aux visiteurs et visiteuses des expériences alliant science, art et émotion, souligne Julie Jodoin, directrice par intérim d’Espace pour la vie. La Migration du Biodôme, comme le Planétarium Rio Tinto Alcan et la Métamorphose de l’Insectarium étaient trois projets clés de ce plan. C’est avec fierté que nous recevons ce prix, qui est le reflet de l’excellence du travail de nos équipes. »
Chercher l’équilibre
Pour l’équipe de KANVA, il y a un « avant » et un « après » Biodôme. « Le Biodôme a changé notre conception de l’architecture, dit Rami Bebawi. Ça a été un point tournant dans notre approche. Désormais, l’humain n’est plus au centre de nos réalisations : il fait partie d’un écosystème plus grand. » Et il fait sans contredit partie de la nouvelle vie du Biodôme.
Commentaires du jury
Le hall sombre et chargé du Biodôme de Montréal, précédemment aménagé dans l’ancien vélodrome olympique, redevient un espace clair et épuré grâce à cette habile intervention. Ce geste unificateur, à la matérialité peu commune au Québec, permet d’appréhender chacun des écosystèmes par des sensations sonores, olfactives et thermiques avant même d’y entrer. Le regard, dans un premier temps neutralisé par la blancheur et les courbes tout en douceur de la membrane, s’élève ensuite vers la structure caractéristique de ce bâtiment patrimonial d’exception, que l’intervention met en valeur.

Illustration : KANVA et NEUF architect(e)s
▶ EMPLACEMENT
Montréal
▶ MAÎTRISE D’OUVRAGE
Espace pour la vie – Ville de Montréal
▶ ARCHITECTES
KANVA : Rami Bebawi, Tudor Radulescu
NEUF architect(e)s : Azad Chichmanian
▶ MUSÉOLOGIE
Muséologue : Nathalie Matte
Installation muséologique : La Bande à Paul
▶ COLLABORATIONS
Atelier Labi (scénographie), Topo3D (relevé), Bélanger Design (signalisation), Atelier 6 (rédacteur de devis)
▶ INGÉNIERIE
Structure : NCK
Électromécanique : Bouthillette Parizeau
Acoustique : Soft dB
Éclairage : LightFactor
Consultants : GLT+