Pour une personne à mobilité réduite, dénicher un logement adapté à ses besoins s’apparente davantage à un parcours du combattant qu’à un parcours sans obstacles. Une nouvelle réglementation visant à multiplier l’offre de logements neufs accessibles devrait y remédier.
Depuis la publication de cet article, la Régie du bâtiment du Québec a publié le guide Accessibilité à l’intérieur des logements d’habitation.
Il reste encore du chemin à faire pour offrir un parcours sans obstacles aux personnes handicapées. Dans les immeubles d’habitation, le Code de construction exige bien un tel parcours dans les aires communes du premier étage et celles desservies par un ascenseur, mais une fois franchie la porte du logement, une personne à mobilité réduite risque de trouver des entraves à sa circulation. Or, avec le vieillissement de la population, les déambulateurs et les fauteuils roulants vont se multiplier avec, en point de mire, une crise du logement accessible.
La Régie du bâtiment du Québec (RBQ) a donc publié un nouveau règlement pour généraliser la construction de logements accessibles.
L’objectif du règlement est double. « Il doit permettre à des personnes handicapées d’utiliser certaines pièces essentielles du logement, et à une personne en perte de mobilité de rester chez elle », précise Rym Raoui, architecte et chargée de projets réglementaires à la RBQ.
Horizon 2020
Entré en vigueur le 1er septembre 2018, le règlement sera en application le 1er septembre 2020. Autrement dit, un bâtiment dont la construction débutera après cette date devra répondre aux nouvelles exigences. La période de transition, habituellement de 18 mois, a été allongée à deux ans à la demande de l’industrie pour tenir compte de la durée du processus de conception des bâtiments de grande hauteur. « On va outiller les architectes; un guide explicatif doit paraître d’ici à la fin de l’automne », assure Rym Raoui.
Logements assujettis
Le règlement vise les nouveaux immeubles d’habitation de plus de deux étages et de plus de huit unités de logement ainsi que les agrandissements (les transformations et les changements d’usage ne sont pas touchés). Dans les constructions assujetties, tous les logements du premier étage et ceux des étages desservis par un ascenseur devront être accessibles. Dans un bâtiment de plusieurs étages dépourvus d’ascenseur, seuls les logements du premier étage doivent être accessibles. Mais comme le fait remarquer Rym Raoui, « pour des raisons de densification urbaine et de rentabilité des lots, les tendances vont vers des bâtiments de quatre étages et plus. Et lorsque les bâtiments atteignent quatre étages, ils sont munis d’ascenseurs ».
Les options
Deux niveaux d’accessibilité sont prévus, soit l’accessibilité minimale et l’adaptabilité. En aménageant les logements assujettis, les promoteurs et les concepteurs sont libres de répondre aux exigences de l’un ou de l’autre.
L’accessibilité minimale offre un parcours sans obstacles jusqu’à la salle de bain, le salon et la salle à manger, ce qu’on appelle aussi parfois la « visitabilité », car une personne en fauteuil roulant peut rendre visite à la personne qui habite un tel logement. « Il y a un dégagement prévu pour permettre à une personne qui utilise une aide à la mobilité comme une marchette ou un fauteuil roulant manuel d’accéder à ces pièces, mais c’est minimal », précise Rym Raoui.
L’adaptabilité va plus loin en donnant accès à la chambre à coucher, à la cuisine, à la salle de bain et au balcon. Dans toutes ces pièces, les dégagements sont prévus pour permettre la circulation d’un fauteuil roulant. De plus, un revêtement de sol antidérapant doit sécuriser le transfert de la personne de son fauteuil roulant à son lit ou à la toilette, par exemple. Mais surtout, la plomberie doit permettre d’ajuster la hauteur des équipements de cuisine et des lavabos, tandis que des fonds de clouage doivent être mis en place dans la salle de bain pour l’installation éventuelle de barres d’appui. Grâce à ces éléments, une personne qui devient handicapée au fil des ans peut adapter son logement à ses besoins spécifiques sans avoir à refaire les murs et, donc, sans avoir à débourser une fortune.
Ces nouvelles dispositions sont le fruit des travaux du Comité consultatif permanent pour l’accessibilité et la sécurité des bâtiments aux personnes handicapées. Constitué par l’Office des personnes handicapées du Québec et la RBQ, il réunit des représentants d’associations, de ministères, d’organismes gouvernementaux et de l’industrie de la construction. L’OAQ en fait partie. Ensemble, ils ont cherché à répondre aux besoins exprimés tout en tenant compte de l’impact financier pour l’industrie de la construction.
À quel coût ?
Mettre en place ces mesures d’accessibilité a en effet un coût, que la RBQ a voulu évaluer. « On a sélectionné des plans représentatifs des logements au Québec et on a appliqué les exigences d’accessibilité pour voir les répercussions », explique Rym Raoui, précisant qu’il s’ensuit parfois une augmentation de la superficie du bâtiment et, donc, du coût de construction. En moyenne, l’application des exigences représente une hausse de 250 $ ou de 550 $ par logement pour le rendre minimalement accessible ou adaptable.
Ce surcoût, somme toute modéré en regard du prix total d’un logement, évitera des dépenses non seulement à l’occupant, mais aussi à la société, du moins pour ce qui concerne l’adaptabilité. « Placer une personne âgée dans un établissement adapté parce que son logement ne correspond plus à ses besoins représente un coût indirect pour la société », observe Rym Raoui.
Rattraper le reste du Canada
Avec l’application de ce règlement, le Québec rattrapera, voire dépassera les provinces qui exigent déjà de 5 à 15 % de logements accessibles ou adaptables. Cela dit, la Ville de Vancouver, qui impose 100 % de logements adaptables, fait encore mieux.
Il reste qu’en élargissant ainsi son parc de logements accessibles, le Québec cheminera vers une société plus inclusive au bénéfice de tous, car nul n’est à l’abri du vieillissement et de la perte de mobilité.