Prix d'excellence en architecture, catégorie Mise en valeur du patrimoine – agrandissement – et Mention Accessibilité universelle
Pour les architectes du nouveau pavillon d’accueil de l’Assemblée nationale du Québec, intervenir sur un bâtiment d’une aussi grande valeur patrimoniale et symbolique constituait une source de fierté – et une mission risquée. L’engouement du public leur permet de dire : pari gagné !
Avant les travaux d’agrandissement, on entrait dans l’hôtel du Parlement non pas par les escaliers d’apparat qui ornent sa façade, mais par une discrète porte latérale. À l’intérieur, le hall servait d’espace multifonctionnel. « Des visiteurs y laissaient leurs sacs à dos en même temps que s’y tenait une conférence de presse et que des gens venaient y assister à une commission parlementaire », décrit Hélène Foy, directrice du service d’amélioration des infrastructures à l’Assemblée nationale du Québec.
Une mise à jour du bâtiment, achevé en 1886, s’imposait. Parmi les besoins à combler : l’ajout d’une salle multifonctionnelle pour accueillir les citoyens et de salles de commission qui, selon l’appel d’offres, devaient loger dans un édicule érigé en façade.
« Il s’agissait aussi de changer l’image austère et intimidante du Parlement et d’ouvrir le bâtiment à la population », ajoute Steve Proulx, le coordonnateur technique du projet à l’Assemblée nationale.
Discrétion et ouverture
Pour éviter d’éclipser les sculptures de la façade patrimoniale en construisant un édicule, les architectes ont plutôt déployé les nouveaux espaces en sous-sol. Dorénavant, c’est en traversant des portes vitrées situées entre les deux escaliers qu’on entre dans le pavillon d’accueil du Parlement. On accède ainsi à un vaste hall ovale baigné de lumière naturelle qui entre par un oculus en toiture de 6 m de diamètre. Autour de ce hall se déroule une rampe longue de 275 m qui donne accès aux nouvelles salles.
La rampe est aussi le point de départ d’un tunnel qui passe sous le bâtiment et débouche sur un escalier et un ascenseur permettant de se diriger vers d’autres salles du Parlement. Elle sert également de parcours pédagogique : des panneaux y expliquent notamment le fonctionnement du Parlement, le rôle d’un député et le cheminement d’un projet de loi.
« C’est un travail de conception intérieure orientée vers l’expérience du visiteur », décrit Nicolas Demers-Stoddart, architecte associé chez Provencher_Roy et chargé de conception dans ce projet. L’équipe d’architectes a ainsi donné une signature unique au pavillon en reprenant les formes courbes de la grande rampe dans l’agora. Elle a aussi accordé un double usage aux perforations du parement de bois mural, qui tout en assurant la ventilation dessinent des scènes de l’histoire du Québec comme la nationalisation de l’électricité ou la lutte pour le droit de vote des femmes.
La démocratie renforcée
Plus qu’un pavillon d’accueil, cet agrandissement de l’hôtel du Parlement modernise la fonction démocratique du bâtiment en misant sur une plus grande ouverture aux citoyens et citoyennes. « Les salles de commission peuvent accueillir des témoins à distance par vidéoconférence. Dans la salle multifonctionnelle, les parlementaires peuvent rencontrer les groupes scolaires ou des citoyens venus déposer une pétition », illustre Hélène Foy.
Les visiteurs et les touristes peuvent effectuer le parcours pédagogique en visite libre, et les données de fréquentation attestent un intérêt vigoureux : l’édifice du Parlement, qui recevait 124 000 visiteurs annuellement avant les travaux, en a reçu 100 000 dans les six mois qui ont suivi l’inauguration du nouveau pavillon. Ce dernier porte ainsi à merveille son surnom de « maison du peuple ».
EMPLACEMENT :Québec
CLIENT : Assemblée nationale du Québec
ARCHITECTES : Provencher_Roy : Claude Provencher, Matthieu Geoffrion, Nicolas Demers-Stoddart, Marilina Cianci
GLCRM Architectes : Marc Letellier, Shirley Gagnon, François Bécotte, Louis-Xavier Gadoury
ENTREPRENEUR : Pomerleau
INGÉNIERIE : Électromécanique : CIMA+ ; Génie civil et structure : WSP
Commentaires du jury
Les attentes envers le projet d’agrandissement de l’hôtel du Parlement de Québec étaient élevées, tout comme le niveau de complexité de sa mise en œuvre : il fallait tenir compte des exigences de sécurité pendant les travaux, des enjeux techniques d’un chantier souterrain et de l’arrimage à l’édifice de style Second Empire de l’Assemblée nationale. La démarche n’en a pas moins été menée dans un grand respect de ce bâtiment public emblématique signé Eugène-Étienne Taché. Le nouveau pavillon en soubassement présente d’amples circulations, une agora citoyenne surmontée d’un oculus qui laisse entrevoir la tour centrale du bâtiment patrimonial et des espaces pédagogiques qui matérialisent avec limpidité l’idée d’une démocratie participative. Le jury a également apprécié l’alliance entre les dimensions muséologique et technique, formée grâce aux panneaux didactiques perforés qui assurent aussi la ventilation des espaces. Un agrandissement à la fois sobre et monumental, qui fait honneur à l’institution dans laquelle il s’intègre.

Photo : Stéphane Groleau
Mention Accessibilité universelle
Avant l’inauguration du nouveau pavillon d’accueil, l’accès au Parlement et la circulation dans le bâtiment étaient ardus pour les personnes à mobilité réduite. Celles qui ne pouvaient pas franchir les marches menant à la porte d’entrée devaient se faire accompagner par un agent jusqu’à une autre entrée, d’où elles pouvaient se rendre aux salles en suivant des détours. Quant à la bibliothèque de l’Assemblée nationale, elle leur restait inaccessible à cause de ses escaliers. Il arrivait donc qu’une personne à mobilité réduite se trouve séparée de son groupe. « Ce genre de situation était incroyable dans un lieu comme l’Assemblée nationale », reconnaît Steve Proulx.
À présent, tous empruntent la même entrée et peuvent effectuer les mêmes parcours pour se rendre à un endroit ou l’autre du bâtiment – y compris la bibliothèque, à laquelle un ascenseur donne maintenant accès. Avec sa pente à 5 %, la rampe intérieure permet une circulation fluide et sans obstacles sur les quatre étages qu’elle dessert.
L’accessibilité universelle concerne aussi l’accès aux services. Dans le nouveau pavillon, quiconque peut se rendre aisément aux comptoirs d’accueil, et des espaces adaptés aux besoins des personnes à mobilité réduite sont aménagés dans les salles de commission afin que tous puissent y témoigner.
Fait intéressant, les salles de bain pour hommes comme celles pour femmes comportent des tables à langer. l
Commentaires du jury
En parfait accord avec l’esprit démocratique qui sous-tend ce projet, le sujet de l’accessibilité universelle est ici traité de façon exemplaire. Au lieu de réserver une entrée distincte aux visiteurs à mobilité réduite, les architectes ont conçu une large rampe dont la spirale structure le pavillon. L’ensemble des visiteurs circule dans l’édifice en empruntant le même parcours, et ce, qu’ils se déplacent à pied, en fauteuil, à l’aide de béquilles, en poussette ou autrement. Ces choix réfléchis, qui se manifestent clairement dans les dessins du projet, signalent sans équivoque l’appartenance pleine et entière des personnes à mobilité réduite à notre société.