La préfabrication en construction est un sujet chaud actuellement au Québec. Nous accusons un certain retard en ce domaine, et cela peut en partie plomber notre efficacité à répondre à certaines crises, tant en termes de rapidité que de productivité ou de qualité. C’est vrai, la préfabrication apporte plusieurs avantages qu’il est grand temps d’exploiter : meilleur contrôle de la production; réduction des déchets; concentration des effectifs et réduction des déplacements; finition plus soignée, et j’en passe…
Considérant ces avantages, il ne faut pas se surprendre de l’intérêt croissant envers ce système de construction, notamment dans un contexte de crise du logement. La préfabrication est d’ailleurs utilisée depuis longtemps par des architectes du Québec. On se rappellera entre autres les habitations Quesnel, de Dan S. Hanganu, construites au début des années 1980 dans le cadre de l’Opération 20 000 logements de la Ville de Montréal. Loin d’être banal, le projet a su imbriquer des unités modulaires préfabriquées sous une enveloppe personnalisée et contextualisée. Il s’était illustré à l’époque aux Prix d’excellence en architecture et aux Médailles du Gouverneur général et a encore aujourd’hui fière allure.
On le sait, donc : le préfabriqué peut faire de la qualité. Par contre, si la facilité l’emporte, il pourrait se solder par une homogénéisation des propositions construites, voire une banalisation des milieux de vie. Avant de mettre la pression maximale, il faut prendre le temps de bien définir les enjeux pour que les avantages de la préfabrication ne soient pas inhibés par une utilisation inadaptée.
Préfabrication ≠ catalogue
Il existe une certaine confusion dans le discours public qui associe directement la préfabrication à la notion de catalogue architectural, de répétition. Selon certaines personnes, pour que la préfabrication soit pleinement efficace, il faudrait reproduire à très grande échelle des modules identiques comme pour les voitures.
Or, exception faite de la technologie, produire de l’habitat est beaucoup plus complexe que de produire une voiture. L’habitat est plurifonctionnel. Il allie les besoins de base (sanitaires, alimentaires, régénératifs…) aux besoins socioaffectifs (cellule familiale, amitiés, isolement, partage…), tout en tenant compte des différences culturelles et des exigences croissantes liées au télétravail.
Également, le bâti est fixe, immuable, volumineux, et entretient de ce fait des liens étroits de voisinage qui créent des ensembles et paysages signifiants… ou non. Mais encore, le bâti se veut pérenne et est conçu dans une optique de longévité. Un mauvais projet restera longtemps un mauvais projet.
Notre société se constitue d’un amalgame de communautés qui se créent, se définissent, s’expriment et dialoguent avec l’autre. L’architecture est l’incarnation construite de cette expression de soi et de ce dialogue avec l’autre. Elle concourt à la définition de nos communautés, et leur permet d’être soudées et solidaires. De ce fait, elle ne doit pas être banalisée.
Si l’intention est qu’il contienne des propositions définitives « préapprouvées », aucun catalogue ne pourra répondre aux trop multiples équations qui définissent l’habiter.
Bref…
Pour les avantages qui y sont liés, crise du logement ou pas, les architectes auraient tout intérêt à intégrer les méthodes de préfabrication à leurs réflexions et à en tirer le plein potentiel lorsqu’ils et elles le jugent pertinent. C’est une méthode saine de production, tant en ce qui concerne le processus que le résultat, et tant en ce qui concerne l’humain que l’environnement.
Quant au catalogue, lorsqu’on dessine du multirésidentiel, l’adaptation de grandes idées qui ont fait leurs preuves n’est pas une tare, mais un moyen de les faire évoluer. L’utilisation de références et l’adaptation intelligente de modèles éprouvés réduisent nettement les risques d’erreur et offrent l’avantage aux occupantes et occupants à venir de ne pas servir de cobayes. Mais pour cela, le mot clé reste l’adaptation aux contextes, tant dans la fonction que dans la forme.
Si les catalogues qu’on nous promet sont des solutions toutes faites qu’on doit reproduire à l’infini, il y a un problème. Mais s’ils sont des références que l’architecte peut utiliser de manière raisonnée et étoffer de ses propres constats, on participe alors à l’enrichissement collectif et, à notre échelle, on aide à résorber la crise du logement.
Tout est question de nuances et d’équilibre.
Bonne lecture !