Le Lab-École est arrivé à la fin de son mandat en juin dernier. Cette expérience inédite a suscité maintes promesses en plus de constituer un vivier de grandes réussites. Qu’en retiendrons-nous et qu’en ferons-nous ?
Au Québec, on s’est doté d’un formidable vecteur d’innovation avec cette démarche. Devant le constat que les lieux d’enseignement devaient mieux soutenir l’évolution de la pédagogie et le bien-être des élèves, on s’est inspiré des meilleures pratiques, on a écouté les parties prenantes, on a sollicité les idées de l’ensemble des architectes du Québec, on a conçu et bâti six écoles d’une qualité exceptionnelle, puis on en a étudié les retombées.
Les résultats, publiés en juin 2025 par le consortium de recherche qui s’est penché sur ces établissements, sont fort encourageants. Entre l’avant et l’après entrée des élèves dans les Lab-École, on note entre autres une amélioration significative de leur engagement scolaire ainsi que de leur attitude envers l’école et le personnel enseignant. Quant à ce dernier, il éprouve une plus grande satisfaction au travail. Ce n’est pas rien ! Je vous invite à consulter le rapport de recherche pour bien apprécier l’exercice, qui constituerait une première au Canada1. Or, les bienfaits qui en ressortent mériteraient d’être réévalués de manière plus exhaustive, tandis que des questions cruciales restent en suspens.
Davantage reste à faire
Cette recherche est un pas de géant, mais un pas ne fait pas une route. Ainsi, on n’a pas encore étudié les effets des Lab-École sur la qualité des apprentissages et la réussite scolaire, puisque cela ne faisait pas partie du mandat de recherche. Qui plus est, le budget de 250 000 $ et l’échéancier ont limité la collecte de données à deux années consécutives, dans cinq des six Lab-École. Les cohortes étudiées sont toutes passées d’un modèle d’école standard à ce nouveau paradigme. Il en résulte des conclusions inévitablement mitigées par l’adaptation à ce nouvel environnement scolaire vécue autant par les élèves que par le corps enseignant. Enfin, aucune comparaison systématique avec les écoles traditionnelles n’a pu être faite. Nous ne savons donc pas encore comment les cohortes qui auront vécu tout leur primaire dans les Lab-École se distingueront de celles scolarisées ailleurs.
J’en suis persuadé, la recherche doit continuer. Il me semble nécessaire de faire comprendre comment l’environnement physique peut réellement soutenir l’enseignement et l’apprentissage, au-delà des apports déjà connus de la lumière naturelle et de la biophilie. Je pense aussi qu’il faut peut-être documenter davantage les prémisses du Lab-École selon lesquelles les enfants apprennent mieux en bougeant, en collaborant et en allant à l’extérieur. En effet, les résultats de la recherche montrent que la cacophonie peut vite s’installer si les lieux et les usages ne sont pas adéquats pour enseigner selon ces paramètres. Cela mérite d’être creusé pour trouver le bon équilibre. Avec nos six Lab-École, nous avons un creuset formidable pour évaluer avec courage les avantages et écueils du construit, en lien avec les méthodes d’appropriation par les élèves et le personnel enseignant.
Un legs à faire fructifier
Il faut remercier les fondateurs du Lab-École, Pierre Thibault, Ricardo Larrivée et Pierre Lavoie, d’avoir osé bousculer les manières de faire pour amorcer le mouvement. Il faut féliciter le gouvernement du Québec d’avoir cru en cette aventure. Il faut saluer les efforts de l’équipe du Lab-École pour mettre sur pied une démarche rigoureuse. Mais il faut aussi pérenniser ce laboratoire, qui n’a pas fini de nous faire avancer dans un champ de recherche jusqu’ici peu exploré, mais combien important pour notre société.
Je reconnais que le monde de l’éducation a d’autres défis plus pressants. En raison du manque de récurrence des fonds alloués au maintien d’actif, plus de la moitié des établissements scolaires du Québec sont en mauvais état, et il est indispensable d’y remédier. C’est sans parler des dizaines de projets de construction et d’agrandissement d’écoles reportés sine die. Mais délaisser le financement proportionnellement mineur que requiert la recherche équivaut à renoncer à des données qui peuvent orienter des investissements majeurs de manière beaucoup plus rentable.
Nous avons été choyés d’avoir le Lab-École. Il faut en tirer parti au maximum.
1 Bluteau, Jonathan et Goulet, Mélissa (2025, 20 juin). Appréciation des retombées des espaces et des ambiances des Lab-École. Université du Québec à Montréal.