Revalorisation de bâtiments, réutilisation de matériaux, bienfaits pour la communauté : les projets d’architecture circulaire génèrent de nombreuses retombées positives. Trois architectes d’ici nous présentent l’un de leurs projets misant sur la circularité.
Bâtiment 7
Quand la communauté s’unit
La firme L’OEUF Architectes fait figure de pionnière en matière d’architecture circulaire. Et le projet du Bâtiment 7 est un exemple marquant de son expertise en la matière. En plus de redonner vie à un ancien bâtiment du CN de Pointe-Saint-Charles menacé de démolition, le projet s’est réalisé de concert avec la communauté, représentée par le Collectif 7 à nous. Ce dernier a mis la main à la pâte à toutes les étapes, de l’idée à la réalisation, rappelle Sudhir Suri, architecte ayant participé à ce projet qui s’est échelonné de la mobilisation citoyenne, au début des années 2000, jusqu’à l’inauguration, en 2018.
« Quand on travaille avec un client qui est aussi impliqué, notre rôle n’est pas de lui imposer une vision, mais de l’accompagner au point de vue technique », affirme-t-il. Par exemple, le collectif a récupéré des briques provenant d’un édifice voisin voué à la démolition, il a réuni des bénévoles pour nettoyer ces matériaux qui, autrement, auraient été jetés. « Mais comme ces matériaux ne sont pas normés, il fallait vérifier qu’il était possible de les réutiliser en toute sécurité », explique l’architecte. Une foule d’autres matériaux, comme des portes d’un ancien couvent, du gypse, du bois de grange, du vitrage, de la peinture, du mobilier ou encore des madriers, transformés en marches d’escalier et en comptoir, ont repris vie dans cet ancien bâtiment industriel maintenant ouvert à la communauté.
Le projet s’est aussi défini au gré des découvertes et des idées, par exemple celle d’exposer le magnifique plafond révélé pendant les travaux. Cela demande une approche de design plus flexible, alors que les plans doivent pouvoir être adaptés en cours de projet, pense Sudhir Suri. « Il faut aussi être capable de jouer avec les matériaux, les atmosphères et la lumière naturelle, d’utiliser ses facultés de designer pour voir le beau et le mettre en valeur. » Une approche qui demande aussi des compromis de la part de toutes les personnes qui participent au chantier.
École Monique-Proulx et centre préscolaire La Samare
Travailler de concert pour limiter les déchets
Le plafond de la salle multifonctionnelle de l’école secondaire Monique-Proulx, à Warwick, comporte une innovation issue d’une collaboration entre plusieurs partenaires. Les 300 lamelles de bois qui le composent ont été fabriquées avec du surplus de placage utilisé pour la finition de meubles dans des usines de la région. Un nouveau produit a ainsi été mis au point par la firme BGA Architectes et l’entreprise d’insertion PRISE, en collaboration avec Synergie Victoriaville, un groupe spécialisé en économie circulaire.
Il a fallu plusieurs étapes d’essais et d’erreurs avant d’arriver au résultat escompté, explique Laurie Lavallée, architecte chez BGA et chargée de ce projet qui s’est déroulé en 2018. « Il a fallu faire non seulement des tests de collage, mais aussi d’assemblage et de peinture pour réussir à développer un produit qui répondait à nos besoins. » Au final, des retailles ont été collées ensemble pour former des lamelles de bois. Installées au plafond, elles cachent la structure, la mécanique et l’électricité, tout en optimisant l’acoustique de ce petit auditorium. Ce produit orne aussi le plafond de l’entrée du centre d’éducation préscolaire La Samare, à Plessisville, aussi transformé par la firme BGA en 2019.
Ces deux projets menés pour le Centre de services scolaire des Bois-Francs ont permis de récupérer près de 4400 m2 de placage de bois. La firme, qui a reçu un prix d’excellence régional pour ce travail, aimerait réutiliser le concept dans d’autres ouvrages.
Recyc-Québec
De la parole aux gestes
Utilisation de peinture recyclée, récupération de matériel de plomberie, de bois de grange et de mobilier : Recyc-Québec n’a pas lésiné sur les efforts pour réduire son empreinte écologique lors du déménagement de son siège social en 2013-2014 dans le Vieux-Port de Québec. Un travail mené de pair avec la firme Coarchitecture.
« Quand on se tourne vers la réutilisation, il faut sortir de ses réflexes en ce qui concerne le choix des matériaux, tout en s’assurant que ces options seront aussi durables et performantes, par exemple au point de vue acoustique », explique Marie-Ève Cantin, architecte-conceptrice de ce projet qui travaille depuis peu comme indépendante.
Par exemple, le client avait déniché de vieilles fenêtres qui ont été intégrées à l’aménagement, se rappelle-t-elle. « Il s’agissait d’unités scellées doubles, ce qui est plus performant sur le plan acoustique que des verres simples. Mais, comme elles ne couvraient pas du sol au plafond, nous avons choisi de les utiliser dans certaines salles de conférences qui nécessitaient plus d’intimité. » En outre, leur installation s’est révélée plus complexe que celle du vitrage taillé sur mesure.
Bref, s’il faut conserver le plan d’aménagement général en tête, il faut aussi faire preuve de souplesse, indique l’architecte. « C’est à nous de trouver comment intégrer ces différents éléments dans le schéma de division de l’espace que nous avions imaginé au départ. »