L’œuvre de Renée Daoust, de son associé et de leur firme, Daoust Lestage Lizotte Stecker, invite à envisager de concert l’architecture, l’aménagement urbain et l’aménagement intérieur. Leurs réalisations ambitieuses ont contribué à transformer le visage de quartiers centraux de Montréal et de Toronto.
La passion des grands projets
Lorsqu’on a un père médecin et une mère infirmière, comment en arrive-t-on à devenir architecte ? Renée Daoust se souvient du premier déclic. « Un de mes oncles avait fait concevoir son chalet de Saint-Anicet par l’architecte Camille Chevalier, raconte-t-elle. J’étais très impressionnée et stimulée par l’organisation de l’espace et de la lumière. »
Une autre découverte de jeunesse : l’Auberge des Gouverneurs de Québec – emplacement aujourd’hui occupé par des unités d’habitation – réalisée par Gauthier, Guité et Roy, architectes, qui mettait de l’avant du mobilier du designer finno-américain Eero Saarinen. « Un autre choc agréable, quia confirmé que je voulais me diriger dans cette voie », précise-t-elle.
Elle s’associera d’ailleurs à Paul Gauthier, Gilles Guité et Réal Lestage, en 1988, au sein de la firme Gauthier Guité Daoust Lestage, devenue Daoust Lestage Lizotte Stecker en 2020. « De concert avec mon associé Réal Lestage, nous avons développé une signature architecturale marquée par la simplicité, la pérennité et le mariage de plusieurs disciplines comme l’architecture, l’urbanisme, le paysage et le design graphique », explique-t-elle.
Ce souci de la multidisciplinarité apparaît dès le passage de Renée Daoust à l’Université de Montréal, où elle cumule un baccalauréat en architecture, terminé en 1984, et une maîtrise en urbanisme, obtenue en 1986. « L’architecte et urbaniste Aurèle Cardinal et l’urbaniste Réal Lestage m’ont chacun suggéré d’ajouter cette corde à mon arc. C’est un des meilleurs conseils que j’ai reçus dans ma vie ! » précise-t-elle.
L’union de l’architecture et de l’urbanisme a façonné sa vision de la profession et l’a bien servie lorsque sa firme a agi à titre de chargée de projet et de design dans l’un des mandats les plus marquants de sa carrière, celui du Quartier international de Montréal (QIM), dont le programme prévoyait la revitalisation d’un gigantesque quadrilatère au cours d’un chantier qui s’est déroulé de 1997 à 2004.
Un projet titanesque
Construit au cœur du QIM et inauguré en 2003, l’édifice Jacques-Parizeau a été le premier bâtiment LEED Or du Québec. Conçu par le consortium composé de Gauthier Daoust Lestage* (55 %), FABG (25 %) et Lemay (20 %) et érigé à cheval sur l’autoroute Ville-Marie, le spectaculaire siège social de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), quant à lui, a permis de reconnecter les secteurs est et ouest du centre-ville. Le Parquet, lui, un vaste espace intérieur, relie le square Victoria, réaménagé, et la place Jean-Paul-Riopelle.
« Le QIM a valu à Daoust Lestage pas moins de 34 distinctions nationales et internationales », rappelle l’architecte et urbaniste Clément Demers, qui dirigeait alors une société du groupe immobilier de la CDPQ.
« Renée Daoust a toujours gardé une attitude positive, sans jamais se décourager », dit-il en se remémorant les multiples présentations du projet devant des investisseurs potentiels. « Renée savait se montrer convaincante et mettre les gens en confiance. »
* Gauthier Daoust Lestage : chargé de projet et de conception
Rayonnement hors Québec
La professionnelle n’hésite pas non plus à s’intéresser aux travaux de ses collègues. Au début des années 2000, alors qu’elle réfléchit à la conception de l’édifice Jacques-Parizeau, Renée Daoust communique avec l’architecte ontarien Bruce Kuwabara, de KPMB Architects, à Toronto, pour le questionner sur sa réalisation des bureaux de Gluskin Sheff + Associates, une firme financière de la Ville Reine.
« Plus tard, elle m’a invité à Montréal, et j’ai été frappé par l’ampleur des projets réalisés par la firme Daoust Lestage, comme le QIM et sa contribution au réaménagement du Quartier des spectacles, explique Bruce Kuwabara. On trouve peu d’architectes capables de travailler à une telle échelle. » Pour le Quartier des spectacles, le cabinet a réalisé la placedes Festivals, la promenade des Artistes,Le Parterre, l’aménagement de la rue Sainte-Catherine, ainsi que l’architecture des Vitrines habitées, rue Jeanne-Mance, qui logent deux restaurants.
Bruce Kuwabara l’enrôle dès 2005 au sein du Waterfront Design Review Panel, un organisme indépendant chargé d’évaluer des projets d’architecture et d’aménagement urbain en vue de la revitalisation d’un secteur riverain de la métropole canadienne. Cette invitation ouvre la porte du marché torontois au cabinet Daoust Lestage. La firme est maintenant responsable de la design excellence pour l’ensemble des 25 stations de la nouvelle ligne de transport léger sur rail Eglinton Crosstown et chargée de projet et de design pour la station Fairbank. Elle a même étendu son rayon d’action jusqu’à Winnipeg, où elle a remporté le concours international pour la réalisation de la parcelle sud du site Market Lands, qui comprend un bâtiment à usage mixte de près de 9000 m2, un marché et une place publique.
« Nous ne soulignerons jamais assez le niveau de difficulté élevé de ces vastes projets qui allient architecture et design urbain, coûtent cher et concernent différents ordres de gouvernement, croit Bruce Kuwabara. Renée Daoust a la détermination, la vision,la force de conviction et la patience pour les mener à leur terme. »
Qualité et innovation
Renée Daoust n’hésite pas non plus à innover. Son cabinet a par exemple conçu le siège social du Groupe AGF, inauguré en 2012, et reconnu pour l’utilisation – inusitée à l’époque – de panneaux massifs de bois lamellé-croisé.
Convaincue que les œuvres architecturales et urbanistiques représentent des gestes culturels majeurs, Renée Daoust trouve regrettable que la règle du plus bas soumissionnaire prévale encore dans de nombreux projets publics. « Cela revient à ne regarder que les coûts, sans égard à la qualité et à la durabilité de projets qui marqueront les villes pour longtemps », déplore-t-elle. Sa passion pour sa profession est toujours aussi vive, et l’arrivée de jeunes architectes au sein de son cabinet contribue à l’alimenter. « C’est intéressant de voir ce qui les préoccupe, par exemple le développement durable et l’environnement, souligne-t-elle. L’architecture continue d’évoluer, et on n’arrête jamais d’apprendre. »