Prix d'excellence en architecture, catégorie Bâtiments et ensembles résidentiels de type multifamilial (ex-æquo) et mention Développement durable
Érigée dans le quartier West Don Lands, en bordure du centre-ville de Toronto, la tour d’appartements en copropriété de l’ensemble résidentiel River City est devenue un point de repère à l’entrée sud-est de la Ville reine. Conçue par la firme montréalaise Saucier + Perrotte, elle a permis de renouveler l’architecture de ce site postindustriel.
Lorsque le promoteur torontois Urban Capital et les architectes de Saucier + Perrotte et de ZAS Architects ont réfléchi, en 2007, au projet immobilier qui pourrait voir le jour sur cet ancien site industriel, ils ont imaginé une tour qui constituerait le point phare du quartier.
« Il était prévu que [la tour] constitue le point le plus élevé de West Don Lands », mentionne David Wex, associé chez Urban Capital. Ce dernier a fait appel aux services de la firme Saucier + Perrotte, dont il admirait les réalisations institutionnelles, pour s’assurer que sa proposition architecturale fasse preuve d’avant-gardisme. Pour l’épauler, il a embauché l’équipe de ZAS Architects, qui connaissait bien le marché torontois. Et il a gagné son pari puisque Waterfront Toronto, l’organisme responsable de planifier la revitalisation du quartier West Don Lands, a retenu son projet.
Ce dernier, qui a nécessité des investissements totalisant 375 M$, regroupe trois autres immeubles et compte en tout 1000 condos et maisons de ville. La tour de 29 étages, qui abrite 333 unités d’habitation, a été érigée de 2015 à 2019, tout juste à côté du parc Corktown Common, l’attrait majeur du nouveau quartier West Don Lands.
Audace architecturale
L’architecture que Saucier + Perrotte a conçue pour la tour River City se caractérise par la disposition en porte-à-faux des unités d’habitation situées du côté ouest. L’immeuble donne ainsi une impression de mouvement, à l’image de la circulation automobile et du courant de la rivière Don, qui coule à proximité. Il semble également communiquer avec les trois autres bâtiments de l’ensemble résidentiel, construits de l’autre côté de l’avenue Eastern.
« Il y a une symbiose [entre les bâtiments], mentionne l’un des associés principaux de la firme, André Perrotte. La phase 1 avait été réalisée avec des matériaux noirs, et la phase 2 était blanche. La phase 3 [qui correspond à la tour], c’est la rencontre entre les deux : des boîtes blanches qui émergent d’un édifice noir. »
Cette proposition sortait des sentiers battus dans le milieu de la construction résidentielle de Toronto, qui avait l’habitude des formes plus classiques, à tel point qu’Urban Capital a éprouvé des difficultés à trouver un entrepreneur disposé à relever le défi.
« Susciter l’intérêt d’un sous-traitant et d’un gestionnaire de chantier pour la construction d’un bâtiment ordinaire était déjà difficile en raison d’un marché en ébullition à Toronto, raconte David Wex. Alors, pour un bâtiment atypique… »
Le promoteur s’est finalement tourné vers la jeune entreprise de construction Bluescape. « Elle voulait s’établir sur le marché torontois, dit André Perrotte. Elle était moins à la recherche du gros client que du projet qui lui donnerait de la visibilité. »
Pour André Perrotte, qui a l’habitude de participer à des projets d’architecture institutionnelle, cette tour privée représente l’équilibre entre la rentabilité et la qualité architecturale. « Pour moi, c’était nouveau de penser à la rentabilité, dit-il. [En même temps], l’architecture est souvent le symbole du lieu ou d’une ville. C’est intéressant de penser qu’on dessine la signature d’un quartier ou d’une communauté. »
EMPLACEMENT : West Don Lands, Toronto
CLIENT : Urban Capital
ARCHITECTES : Saucier + Perrotte : Gilles Saucier, Marie Eve Primeau, André Perrotte, Olivier Krieger, Gregory Neudorf, Christian Joakim ; ZAS Architects : Paul Stevens, Guy d’Alesio, Rob Connor, Del Cordeiro
INGÉNIERIE : Structure : RJC Engineers ; Mécanique, électrique : Smith + Andersen
ENTREPRENEUR : Bluescape
Commentaires du jury
Ce projet résidentiel de 333 logements répartis sur 29 étages est non seulement grandiose par son échelle, mais aussi par son expressivité magistrale, qui s’impose dans le paysage urbain du quartier West Don Lands, à l’orée du centre-ville de Toronto. Le jury salue l’audace dont témoigne cet objet architectural habillé de blanc et de noir dont les balcons en porte-à-faux dynamisent la silhouette, reprenant bien le concept d’érosion que traduit la maquette à l’origine de sa conception. Le jury souligne en outre le tour de force qui consiste à convaincre un promoteur d’adhérer à une telle vision de la promotion immobilière, axée sur l’expressivité architecturale.

River City phase 3, Toronto, Saucier + Perrotte et ZAS Architects
Image : Saucier + Perrotte
Mention Développement durable
La tour d’habitation River City phase 3 a décroché la certification LEED Or, ce qui correspondait à une exigence de Waterfront Toronto, l’organisme responsable de planifier le développement du quartier West Don Lands. Le jury des Prix d’excellence en architecture 2020 lui a ainsi décerné la mention Développement durable.
Pour respecter les exigences élevées que cela supposait, le promoteur Urban City et les architectes des firmes Saucier + Perrotte et ZAS Architects se sont souciés de l’empreinte environnementale du projet tout au long de sa réalisation. Ils ont été soutenus par la firme de génie-conseil WSP, spécialisée entre autres dans l’écologisation des bâtiments.
Les matériaux ont ainsi été choisis selon leur provenance, leur mode de fabrication, leur durabilité et la quantité de gaz à effet de serre qu’ils émettent. On a prévu des bornes de recharge pour les véhicules électriques et mis en place des systèmes de récupération d’eau de pluie, de même que des récupérateurs thermiques qui font circuler des afflux d’air venant de l’extérieur. En outre, les fenêtres de l’immeuble permettent une ventilation naturelle et on a végétalisé les toits.
Pour l’architecte André Perrotte, décrocher une telle certification en matière de développement durable est un exploit pour un bâtiment privé qui se doit d’être rentable. « Habituellement, ce sont des bâtiments universitaires ou des centres de recherche [ayant] beaucoup de moyens qui obtiennent ces certifications. »
Pour que des projets immobiliers écoénergétiques privés voient le jour, il doit y avoir une demande. Or, elle existe, selon André Perrotte. « Les gens qui achètent un condo s’intéressent aussi au développement durable. Ils veulent avoir des informations sur la consommation énergétique de l’édifice et savoir s’il y a des matériaux recyclés », souligne-t-il.
Commentaires du jury
Rares sont les projets immobiliers de cette échelle qui vont aussi loin dans la mise en œuvre des préoccupations environnementales. Par sa démonstration réussie de la viabilité économique d’une approche immobilière axée sur le développement durable, ce projet fait figure de modèle.
Photo : Jose Uribe/Pureblink