Résidente de Val-d’Or, l’architecte Sarah-Eve Canuel s’implique beaucoup dans sa communauté. Siéger au comité consultatif d’urbanisme (CCU) de sa ville est le prolongement naturel de son engagement.
Nous ne sommes pas énormément de professionnels en aména-gement dans les régions du Québec, alors je trouvais impor-tant que le côté architecture soit représenté au sein du CCU de ma municipalité », explique d’emblée Sarah-Eve Canuel. Lorsqu’elle est devenue membre du CCU de Val-d’Or, en 2020, cette native de l’Abitibi-Témiscamingue savait ce qui l’attendait pour avoir déjà siégé à celui d’Amos. Un engagement qui s’ajoute à son implication en tant qu’entraîneuse sportive auprès des jeunes et membre du conseil d’adminis-tration du club d’escalade local.
La jeune femme s’acquitte de cette charge en parallèle de sa carrière d’architecte. Elle travaille chez Trame Architecture + Paysage, une firme de Val-d’Or où elle a d’abord été embauchée comme technologue, en 2012, avant d’être inscrite au tableau de l’OAQ en 2018.
Un rôle-conseil
Mandatés par les municipalités, les CCU ont pour mission de donner leur avis sur différentes demandes touchant l’urba-nisme, le zonage, le lotissement et la construction. L’instance n’a pas de pouvoir décisionnel, mais elle peut recommander au conseil municipal d’accepter ou de refuser une demande. « Notre rôle, c’est entre autres d’analyser les dossiers du point de vue réglementaire. Les règlements de la Ville ont été adoptés pour certaines raisons, et il faut éviter de créer des précédents », explique-t-elle.
Un CCU est composé d’au moins un membre du conseil municipal et de résidents et résidentes de la municipalité. « Les commissaires proviennent de diverses disciplines. À Val-d’Or, il y a entre autres un arpenteur-géomètre, un notaire, une personne du domaine des assurances et une autre du centre de services scolaires, décrit Sarah-Eve Canuel. Nous avons tous des perspectives différentes qui ont un lien avec la construction et l’aménagement. »
Si elle dit apprendre beaucoup au contact des autres commissaires, elle se voit aussi comme une pédagogue en ce qui a trait à sa pratique. « Mon rôle, c’est de traduire l’aspect architectural des demandes, des plans, pour que ceux qui n’ont pas cette expertise puissent comprendre exactement ce que cela signifie. »
Sa présence au CCU lui permet aussi de sensibiliser la communauté à certains concepts comme l’architecture passive. La professionnelle donne en exemple les plans d’un bâtiment qui ne respectait pas les marges de recul au sol. La raison ? Les murs extérieurs avaient été conçus plus épais que la normale, de manière que les fenêtres soient en retrait par rapport à l’enveloppe. « Donc, lorsque le soleil est très haut durant l’été, les rayons n’entrent pas complètement par les fenêtres, ce qui évite les surchauffes. » Dans cet édifice conçu pour être carboneutre, cette caractéristique se révélait essentielle. « Notre rôle en tant qu’architectes, c’est aussi de partager la connaissance, dit-elle. Et, c’est en participant à ce genre d’instance qu’on fait reconnaître notre importance. »
Effervescence économique
Bien souvent, les CUU étudient les projets situés dans des secteurs assujettis à des plans d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA). Ce n’est pas le cas à Val-d’Or, puisqu’aucun règlement du genre n’y est en vigueur actuellement. « Je ne me prononce donc pas sur l’harmonisation des projets ou sur leur esthétique. En région éloignée, on se concentre plus sur le développement du territoire, avec des modifications de zonage, et sur les dérogations mineures à la réglementation municipale. »
Or, l’urbanisme est un sujet d’importance dans une région comme l’Abitibi-Témiscamingue, où l’économie est en pleine effervescence – le Plan québécois pour la valorisation des minéraux critiques et stratégiques 2020-2025 y est pour beaucoup. « L’essor économique a vraiment un impact sur l’ensemble de la région et, par conséquent, sur le marché de la construction. L’activité se développe très vite, de façon exponentielle, si bien que tout est basé sur l’éphémère. »
C’est entre autres pour donner un point de vue plus objectif – et non politique – sur ce type de projet que les CCU existent. « Il faut s’assurer que les dérogations demandées ne vont pas compromettre la sécurité des usagers, explique l’architecte. Par exemple, est-ce que les pompiers vont être capables d’accéder aux bâtiments s’ils sont construits trop près d’un cours d’eau ? » Sa connaissance du Code du bâtiment lui permet de soulever ce type de question. Sa perspective lui permet aussi d’anticiper les effets d’un changement de zonage ou d’usa-ge dans un quartier.
Sarah-Eve Canuel doit également faire preuve de neutralité dans son rôle. C’est d’autant plus vrai dans un petit milieu comme celui de Val-d’Or. « Même si on connaît les professionnels qui ont travaillé sur les dossiers, il faut être capable de prendre du recul et d’analyser le tout de façon objective. » Pour éviter tout conflit d’intérêts, l’architecte prend aussi des précautions lorsque les dossiers touchent de près ou de loin le cabinet qui l’emploie. « Je peux répondre aux questions des autres commissaires, mais pas commenter. »
Une implication enrichissante
En ce qui a trait à la charge de travail, le CCU se réunit chaque mois, au besoin, pour étudier les différents dossiers soumis par la Ville. Avant chaque rencontre, Sarah-Eve Canuel reçoit tous les détails des questions qui seront à l’ordre du jour. Elle se réserve généralement trois ou quatre heures, en soirée, pour en prendre connaissance. Son engagement est bénévole, mais il est rému-néré par son employeur, qui le considère comme de la formation continue.
En plus de lui offrir l’occasion de réseauter, son rôle au CCU lui permet de mieux naviguer dans l’environnement réglementaire de sa pratique, affirme l’architecte. « Mais c’est surtout très intéressant d’apprendre, de discuter, de débattre et d’analyser les dossiers sous plusieurs angles. » Donner à sa communauté, c’est aussi recevoir !