Les architectes d’expérience ont beaucoup à transmettre à la génération montante. Pas étonnant que des volontaires entreprennent d’accompagner la relève. Gros plan sur leur impact dans le milieu.
Le transfert de connaissances est crucial pour favoriser l’épanouissement des jeunes architectes. C’est pourquoi, depuis 2018, le programme de mentorat
de l’OAQ vise l’accompagnement par des architectes d’expérience de membres apparaissant au tableau depuis moins de cinq ans. Les dyades mentorales, formées par le personnel de l’Ordre, durent un an.
« Le mentorat, c’est tout d’abord une rencontre qui favorise davantage la croissance personnelle que des questions d’ordre technique, dit le mentor Thomas Gauvin-Brodeur, architecte depuis 2015, associé chez Leclerc Architectes. On le sait, l’architecture est une profession exigeante. Il est difficile de trancher entre sa vie privée et sa vie professionnelle. Aussi, [le mentorat] donne lieu à des échanges stimulants, profonds et mutuellement enrichissants, que ce soit autour de l’éthique, du savoir-être, de l’anxiété de performance ou de la conciliation travail-famille. »
Pas de sujets tabous
La volonté d’agir comme mentore s’est manifestée tout naturellement chez Émilie Vandal-Piché, architecte depuis une dizaine d’années et designer urbaine chez 2Architectures. « Pour moi, c’est une formidable mise en commun de connaissances et d’expériences de vie ! » À ses yeux, aucun sujet n’est tabou ni futile. « Je ne sais jamais ce qui surgira au fil de nos rencontres ou de nos échanges. Tout dépend des besoins de l’architecte que j’accompagne. » Aptitudes de communication, savoir-être, engagement au sein de la profession, développement d’habiletés politiques, « tous les sujets peuvent être abordés », précise celle qui en est à sa deuxième expérience de mentorat.
Un réel engagement
Les deux architectes se font souvent poser la question : quelles sont les aptitudes requises pour offrir un mentorat éclairé ? « Ce sont l’ouverture, la curiosité et l’humilité, répond sans hésiter Thomas Gauvin-Brodeur. Elles sont essentielles pour comprendre la personne devant soi, surtout si elle a une vision différente de la nôtre. Oui, on a une certaine expérience, mais on n’a pas réponse à tout. »
Même son de cloche du côté d’Émilie Vandal-Piché. « Mentorer, c’est d’abord savoir écouter et guider l’autre vers les bonnes questions et les bonnes pistes sans jamais rien imposer, dit-elle. C’est un équilibre constant entre l’écoute et le conseil. »
En personne, par téléphone, par courriel ou par visioconférence, tous les moyens sont bons pour apporter son soutien, que l’on soit dans la même ville ou à distance. Cela dit, Thomas Gauvin-Brodeur ne jure que par les échanges en personne, téléphone éteint, dans un lieu calme. « C’est nécessaire pour établir une relation durant laquelle on parlera de choses qui peuvent être difficiles. Cela exige la présence pleine et entière des deux parties. »
Quel que soit le mode de rencontre, l’important est de se montrer totalement disponible pour la durée de l’entretien. « Sachant qu’on a des conversations confidentielles, le mentoré peut ainsi se révéler en toute confiance. Et s’exprimer plus librement qu’avec un patron ou ses pairs », ajoute Émilie Vandal-Piché.
« Le mentorat peut être prenant. Mais, chose certaine, plus on y donne le meilleur de soi-même, plus on en tire des avantages. »
— Thomas Gauvin-Brodeur, architecte chez Leclerc Architectes
À l’écoute de la relève
Mais qu’en pensent les membres qui tirent profit de la relation mentorale ? De l’avis de Samuel Dubois, architecte et doctorant au Département d’architecture du Massachusetts Institute of Technology (MIT), « un mentorat réussi repose sur une relation dénuée de toute dynamique de pouvoir. Les conversations se font d’égal à égal, sans la crainte de répercussions sur notre vie professionnelle ».
Celui qui se destine à l’enseignement se réjouit d’être jumelé avec Anne Cormier, membre fondatrice d’Atelier Big City et professeure titulaire à l’École d’architecture de l’Université de Montréal. « Puisqu’elle œuvre également dans le milieu universitaire, je peux bénéficier de ses conseils avisés et honnêtes. Elle m’oriente aussi dans la bonne direction pour atteindre mon but, celui de transmettre ma passion au moyen de l’enseignement, à la prochaine génération d’architectes québécois. »
Olivia Daignault Deschênes agit quant à elle dans le milieu communautaire. De l’avis de l’architecte et chargée de projet au programme de solidarité urbaine chez Architecture sans frontières Québec, « c’est précieux d’avoir accès à une architecte séniore comme Hala Mehio [gestionnaire au Centre de services scolaire de Montréal*]. Je peux être totalement moi-même avec elle. Je peux lui exprimer mes doutes et même mes frustrations, sans avoir à soigner mon image. » Hala Mehio l’aide à déterminer les prochaines étapes à franchir, lui lance des défis et nourrit sa quête de sens. « C’est un vrai travail d’introspection ! » lance la mentorée.
Architecte et cofondatrice d’AU Architectes, Audrey Touchette a la fibre entrepreneuriale. « Lorsqu’on passe du scolaire à la pratique, on perd ses repères, surtout lorsqu’on se lance à son compte. Heureusement, notre relation mentorale me permet d’être plus confiante dans mes décisions et dans mes choix », explique celle qui est mentorée par Louise Hogue, architecte au Groupe LHA. « On n’a pas vraiment le même champ de pratique, mais on a des intérêts communs qui enrichissent notre relation. Son regard expérimenté sur la pratique me pousse à toujours m’améliorer. »
Le programme de mentorat de l’OAQ est donc plus nécessaire que jamais, de l’avis unanime des membres qui ont répondu à nos questions. « Il comble le manque de transfert de connaissances au quotidien, surtout en ce qui a trait au savoir-être, tout en maintenant vivants les liens intergénérationnels au sein de la profession », fait valoir Thomas Gauvin-Brodeur. D’où l’importance, comme le souligne Émilie Vandal-Piché, de la formation annuelle offerte aux mentors et mentores par l’OAQ. « On y échange et on y apprend beaucoup de nos pairs, entre autres sur l’écoute et la distance critique, indispensables pour bien accompagner la nouvelle garde. »
« Oui, le mentorat peut être prenant, dit Thomas Gauvin-Brodeur. Mais, chose certaine, plus on y donne le meilleur de soi-même, plus on en tire des avantages. » Car en plus d’éprouver une grande satisfaction personnelle, on voit son expertise reconnue et son ouverture aux nouvelles perspectives et aux divers courants d’idées constamment stimulée.
* Une version antérieure de cet article indiquait erronément que l’employeur de Hala Mehio était l’atelier braq. Nos excuses.
Un programme en plein essor
Lancé comme un projet pilote avec 9 dyades en 2018, le programme de mentorat de l’OAQ connaît un bel essor, avec 16 dyades en 2022. Si l’intérêt des membres est manifeste, sa capacité d’accueil est cependant limitée.
Pour obtenir plus de renseignements, consultez la section Programme de mentorat du site de l’OAQ.
Pour savoir quand s’ouvrira l’appel de candidatures pour la prochaine cohorte de mentorat, surveillez le bulletin Élévation et la page LinkedIn de l’OAQ.