Si les bâtiments et les aménagements urbains accessibles se multiplient au Québec, c’est beaucoup grâce à Sophie Lanctôt, lauréate du prix Ambassadeur de la qualité en architecture.
Championne du design universel
En tant que directrice générale de Société Logique, Sophie Lanctôt a consacré l’essentiel de sa carrière à la promotion des principes de l’accessibilité universelle non seulement auprès des architectes et des urbanistes, mais aussi dans le monde municipal et les instances gouvernementales.
C’est en 1986 que l’urbaniste est recrutée comme chargée de projet par Société Logique, une entreprise d’économie sociale qui offre des services de consultation en aménagement de lieux accessibles à tous et toutes. « C’est là que j’ai pris conscience des grands besoins dans ce domaine, explique-t-elle. À l’époque, les exigences réglementaires se limitaient pas mal à installer une rampe d’accès à l’entrée du bâtiment ! »
La force de la collaboration
Laval, Gatineau, Longueuil, Terrebonne… Sophie Lanctôt a accompagné de nombreuses municipalités désireuses de rendre leurs bâtiments et aménagements urbains plus inclusifs. Mais son parcours est surtout marqué par une collaboration de près de 15 ans avec la Ville de Montréal. En plus d’avoir fait part de son expertise lors de la construction ou de la rénovation d’environ 600 édifices municipaux, dont l’hôtel de ville, le Centre Pierre-Charbonneau, situé dans le Parc olympique, et plusieurs mairies d’arrondissement, Sophie Lanctôt et son équipe ont réalisé avec la Ville de Montréal, en 2017, deux guides de bonnes pratiques en matière d’accessibilité universelle pour les bâtiments municipaux et les aménagements piétons. « C’est une grande satisfaction d’avoir réussi à faire en sorte que la Ville se dote de normes qui vont au-delà de la réglementation. Ces guides sont devenus des modèles pour d’autres municipalités et donneurs d’ouvrage au Québec », relate-t-elle.
Elle a également collaboré de très près avec la Société de transport de Montréal (STM) au projet du prolongement de la ligne bleue du métro afin que les nouvelles stations soient accessibles à l’ensemble des usagères et usagers. Les travaux d’excavation devraient débuter dès 2023.
« Son plus grand apport a été de mobiliser les professionnels de la Ville – architectes, architectes paysagistes, ingénieurs – face à l’importance de concevoir des aménagements publics réellement inclusifs, souligne Éric Alan Caldwell, membre du comité exécutif à la Ville de Montréal et président du conseil d’administration de la STM. C’est devenu une valeur forte au sein de la Ville, qui entraîne la fierté du travail bien fait. »


Société Logique a également accompagné le groupe Lemay dans le projet du REM, à Montréal, pour s’assurer de l’intégration de mesures d’accessibilité dans les stations du réseau de transport électrique.
« Société Logique nous a fourni une expertise que nous n’avons pas en interne, explique Patricia Lussier, architecte paysagiste, associée et directrice principale conception chez Lemay. De façon générale, lorsque nous soumettons un projet à l’analyse de l’accessibilité pour tous, il s’agit souvent de valider la conformité de certains aspects d’un projet, comme le pourcentage des pentes ou la présence de mains courantes. Il faut aussi penser à la disposition du mobilier urbain, de façon à créer des lignes de cheminement sans entraves, proposer des aires de repos, etc. L’expertise de Sophie Lanctôt a été précieuse. »
Faire le pont
Les personnes qui ont le plus aidé Sophie Lanctôt à mener à bien ces changements sont celles qui vivent elles-mêmes avec des limitations. « C’était essentiel pour moi d’être en lien avec les utilisateurs et les utilisatrices pour bien saisir leurs besoins et les relayer aux architectes », dit-elle.
Pour cela, elle s’est engagée auprès d’organismes qui défendent les droits des personnes âgées ou qui appuient celles vivant avec une déficience physique, dont DéPhy Montréal, un regroupement d’une cinquantaine d’organisations. « Aller vers eux m’a fait me rendre compte que les besoins des uns sont parfois en opposition avec ceux des autres, selon les limitations fonctionnelles respectives », ajoute-t-elle. Par exemple, les descentes de trottoirs pour les fauteuils roulants peuvent représenter un danger pour les personnes ayant des déficiences visuelles qui, en raison de la faible dénivellation, ne perçoivent pas la transition entre le trottoir et la rue. « Il faut donc trouver les meilleures solutions pour l’ensemble des utilisateurs. »
De grandes réalisations
Au haut de sa liste de réalisations marquantes, il y a la fierté d’avoir fait de Société Logique un moteur de changement et d’en avoir assuré la pérennité. Bien qu’elle ait cédé sa place à la direction générale, elle reste attachée à l’organisation comme conseillère stratégique. Parce que le travail est loin d’être fini.
Le défi, aujourd’hui, est que le design universel soit intégré aux toutes premières étapes de planification d’un projet, souligne-t-elle. « Plus on y pense tôt dans le processus, plus on trouve des solutions inclusives qui contribuent à la fois à l’accessibilité et à l’esthétique des projets », affirme celle qui continue de servir la cause. ●