À vous de juger : Deux éditos, deux perspectives Pour cette édition, vous trouverez deux éditoriaux : le premier conçu par l’intelligence artificielle, offrant une analyse algorithmique des enjeux actuels, et le second signé par notre président, apportant une vision humaine et nuancée, ancrée dans l'expérience et les valeurs de l'Ordre. Nous vous laissons le soin de les comparer et de tirer vos propres conclusions. Bonne lecture !
L’intelligence artificielle est bien réelle. En moins de deux ans, elle s’est invitée dans nos outils, nos méthodes, nos réflexions. Elle n’a pas demandé la permission. L’architecture, comme bien d’autres domaines, est à un tournant. Il est impératif que nous prenions la mesure de cette transformation.
Oui, l’IA peut nous soutenir dans nos tâches. Oui, elle peut nous faire gagner du temps, révéler des tendances, proposer des options, générer des images séduisantes ou des textes bien tournés. Ce n’est plus de la science-fiction : des firmes québécoises intègrent déjà l’IA dans leurs processus, avec enthousiasme ou prudence. Et c’est tant mieux. Une profession qui évolue est une profession vivante.
Mais encore faut-il que cette évolution ne se fasse pas au détriment de ce qui constitue le cœur même de notre pratique : notre jugement professionnel, notre sens critique, notre capacité à faire des choix éclairés dans la complexité. Car si l’IA devient une béquille trop confortable, elle peut aussi atrophier nos compétences.
Quand apprendre devient impossible
Ce que je vois poindre, c’est un risque plus profond, plus insidieux. Celui d’une rupture dans la transmission. Dans bien des bureaux, les tâches que l’on commence à confier à l’IA sont précisément celles que l’on confiait aux candidates et candidats à la profession d’architecte dans le cadre du programme de stage en architecture. Préparer un procès-verbal, résumer un document complexe, produire une première esquisse, tester des hypothèses, compiler des données… Ce sont là des expériences formatrices, essentielles pour apprendre à penser comme un ou une architecte.
Or, une IA peut aujourd’hui exécuter ces tâches avec une redoutable efficacité. Mais elle ne tirera rien de cette expérience – et elle ne deviendra jamais architecte.
Je suis préoccupé. Car si l’IA remplace peu à peu les candidates et candidats à la profession d’architecte dans les bureaux, comment les futures générations apprendront-elles le métier? Sur quoi prendront-elles appui pour développer leur autonomie, leur sens des responsabilités, leur capacité à intégrer les multiples dimensions d’un projet? L’encadrement des candidates et candidats à la profession n’est pas un fardeau; c’est un acte de transmission. Et c’est aussi ce qui permet à l’architecte en exercice de réfléchir à sa propre pratique, de décortiquer ses choix, d’articuler son savoir. L’apprentissage est toujours mutuel.
Une technologie à mettre sous surveillance
Dans une entrevue récente, Bill Gates affirmait que « les humains ne vont plus faire la majorité des tâches intellectuelles ». Il ajoute : « Ce sont les machines qui les feront. » Ce constat, aussi lucide soit-il, ne peut pas être accueilli avec passivité. Il faut y faire face, le remettre en question, et y opposer une vision.
C’est à nous, architectes, de définir le rôle que nous voulons jouer dans ce nouvel écosystème technologique. Il ne s’agit pas de rejeter l’IA ni de l’adopter les yeux fermés, mais de construire une relation lucide avec elle. Comme nous le faisons avec les candidates et candidats à la profession, nous devons encadrer cette « collaboratrice numérique », orienter son travail, vérifier ses propositions, assumer la responsabilité des décisions prises à partir de ses suggestions. L’IA n’est pas une orfèvre du sens. Elle peut produire, mais elle ne peut pas choisir. Elle peut aider à concevoir, mais elle ne peut pas comprendre.
C’est pourquoi je crois que chaque architecte doit développer un regard critique sur les outils qu’il ou elle utilise. Comprendre ce que l’IA fait, comment elle le fait, avec quelles limites et sur quelles bases. Refuser la boîte noire. Exiger la transparence. S’interroger sur l’origine des données. S’interroger sur les biais. Et surtout, se souvenir que la responsabilité de toute décision architecturale lui revient entièrement, sans partage.
Au-delà de la pratique quotidienne, il y a un enjeu de société. L’architecture ne se résume pas à une série de tâches optimisables. C’est une discipline de synthèse, de culture, d’éthique. Une profession fondée sur la confiance du public. À nous de nous assurer que cette confiance est renforcée, et non affaiblie, par l’usage des technologies.
L’IA transformera notre métier, c’est certain. Mais elle ne doit pas transformer notre essence. Pour cela, nous devons rester aux commandes. Garder l’esprit ouvert, mais critique. Collaborer, mais encadrer. Innover, mais transmettre.
*Cet éditorial a été rédigé par ChatGPT selon les directives du président, mais sans autre intervention de sa part. L’intelligence artificielle a aussi pris quelques libertés avec sa photo officielle. La version écrite sans IA se trouve ci-dessous.
Bye-bye les architectes ?
Alors on y est. L’intelligence artificielle (IA) est maintenant à la portée de tout le monde. Des architectes d’ici et d’ailleurs l’utilisent pour multiplier leurs idées, accélérer des analyses environnementales, déchiffrer des appels d’offres, écrire des procès-verbaux ou, vous l’avez vu, rédiger un éditorial… Ça séduit tellement c’est rapide et efficace. Comme chaque fois qu’une nouvelle technologie émerge, on sent une pression : on se dit que soit on l’adopte, soit on se fait dépasser. Mais avant de trop nourrir la bête, une réflexion s’impose, que cet éditorial écrit sans IA espère enrichir.
Dans l’article en couverture de ce numéro d’Esquisses, on comprend que les architectes qui utilisent l’IA le font avec discernement. Ils et elles perçoivent les limites de l’outil et s’en servent davantage pour s’inspirer que pour utiliser servilement ses réponses dans leurs projets.
Des architectes vont jusqu’à s’engager dans l’élaboration des IA. C’est leur manière d’influencer le progrès de l’intérieur, pour y instiller les valeurs humanistes de la profession, ne pas rester derrière et, potentiellement, ne pas se voir remplacer. Or, la question du remplacement des architectes par les IA est plus insidieuse qu’il n’y paraît.

On est bien d’accord : pour l’instant, aucune machine n’a la faculté de répondre aux besoins sensoriels et spatiaux des êtres humains comme un ou une architecte d’expérience est apte à le faire. Le problème n’est pas là, pas encore du moins.
Par contre, dès à présent, on peut s’inquiéter de la formation de la relève en architecture. En effet, l’IA a la capacité d’accomplir plusieurs des tâches traditionnellement confiées à un candidat ou une candidate à la profession. Si on se reporte au Programme de stage en architecture, on trouve des exemples de tâches pouvant être exécutées dans ce contexte, entre autres : « collaborer à la préparation de dessins »; « calculer les superficies et les volumes d’un projet »; « faire des recherches et appliquer les exigences des codes du bâtiment à l’utilisation de l’énergie »; « collaborer à la préparation de synthèses et à l’évaluation de données », et j’en passe…
Relève à risque
Pour beaucoup, confier ces tâches à l’IA peut devenir attrayant. Elle les exécute, peu importe le jour ou l’heure, autant de fois qu’on le veut, et ce, en réduisant les coûts et les délais à une fraction de ce que représente l’embauche d’une personne salariée. À court terme, on peut supposer que bon nombre d’architectes d’expérience confieront la supervision de l’IA aux plus jeunes, faute d’en avoir l’habitude. Mais à moyen et long terme, qu’en sera-t-il ?
S’il devient facile de confier à l’IA une bonne partie des tâches traditionnellement accessibles aux candidats et candidates à la profession, comment ces personnes pourront-elles acquérir l’expérience essentielle pour remplir les conditions de leur stage ? Comment la sensibilité et la profondeur d’analyse propres aux architectes pourront-elles se développer ? Qui pourra succéder demain aux architectes d’aujourd’hui avec le même degré de savoir-faire ?
Ma crainte est que les bureaux se mettent à former l’IA au lieu de former la relève. L’Ordre devra donc se positionner et prendre, le cas échéant, des mesures pour contrer ce risque. Plusieurs avenues existent… Encourager les architectes à devenir maîtres de stage par l’entremise du programme de formation continue ou par des crédits de cotisation, intégrer le stage au cursus scolaire, élargir les possibilités de stage…
Humanité sans travail ?
L’architecture est loin d’être le seul domaine qui s’apprête à vivre ces bouleversements. À en croire une récente déclaration de Bill Gates, on n’aurait plus besoin du genre humain dans la plupart des métiers d’ici une dizaine d’années. Dans cette déclaration1, le fondateur de Microsoft n’a pas osé s’avancer sur la manière dont l’humanité s’adaptera à cette révolution du travail…
A contrario, bien des spécialistes croient que les professions faisant appel à la créativité, à l’intelligence émotionnelle et aux raisonnements éthiques sont peut-être moins à risque. Les architectes en sont, c’est certain. Mais ce qui est aussi certain, c’est que, pour qu’une profession perdure, elle a besoin de sa relève.
1 « Bill Gates predicts only three jobs will survive the AI takeover. Here is why », The Economic Times, 28 mars 2025.