Voici des précisions sur le champ de pratique de l’ingénierie qui peuvent aider l’architecte à guider sa clientèle quant aux ressources professionnelles à mobiliser dans ses projets.
Vous êtes architecte et vous avez pour mandat la conception ou la rénovation d’un bâtiment. En cours de route, vous réalisez qu’il n’y a pas d’ingénieur ou d’ingénieure au dossier. Devriez-vous en informer votre client ou cliente ? Mais, au fait, comment savoir si une telle intervention est requise ?
Afin de le déterminer, vous devez vous poser les deux questions suivantes.
1. Est-il question de travaux touchant un élément d’ingénierie ?
En matière de bâtiment, la Loi sur les ingénieurs définit les éléments d’ingénierie comme étant les éléments structuraux ainsi que les systèmes électriques, mécaniques et thermiques.
Les éléments structuraux incluent notamment les fondations, les murs porteurs, les charpentes, les poutrelles de plancher, les fermes de toit ainsi que les composantes structurales des balcons ou des ascenseurs. Les systèmes électriques, mécaniques et thermiques incluent le chauffage, la ventilation, l’électricité, la plomberie, la protection incendie ainsi que les composantes mécaniques et électriques des ascenseurs.
Si le projet n’implique aucun changement aux éléments d’ingénierie du bâtiment, l’intervention d’un ingénieur ou d’une ingénieure ne sera généralement pas requise. Il existe toutefois quelques exceptions à cette règle, notamment en ce qui a trait aux travaux de rénovation des établissements de protection civile (voir l’article 10.4.1.3 du Code de construction du Québec).
Si vous établissez que les travaux envisagés touchent un élément relevant du champ de l’ingénierie, posez-vous alors la deuxième question.
2. Le bâtiment est-il assujetti à la Loi sur les ingénieurs ?
Un bâtiment assujetti à la Loi sur les architectes n’est pas nécessairement assujetti à la Loi sur les ingénieurs, et vice-versa.
Les établissements de réunion (A), de soins, de traitement ou de détention (B) sont assujettis aux deux lois professionnelles, peu importe leurs dimensions. Or, contrairement à la Loi sur les architectes, qui n’inclut que les établissements industriels à risques moyens ou très élevés (F2 et F1), la Loi sur les ingénieurs s’applique à tous les établissements industriels, peu importe leur niveau de risque ou leurs dimensions.
En ce qui concerne les établissements résidentiels (C), commerciaux (D) ou d’affaires (E), la Loi sur les ingénieurs prévoit une exclusion importante. Si un élément est entièrement conçu selon les solutions de la partie 9 du Code national du bâtiment (CNB), il n’est pas nécessaire que les plans de cet élément soient préparés par un ingénieur ou une ingénieure. En effet, le législateur a jugé que le CNB offre tous les renseignements indispensables pour assurer une conception sécuritaire. Toutefois, la contribution de l’ingénieur ou de l’ingénieure sera exigée dans les cas où la partie 9 n’est pas ou ne peut pas être appliquée ou si la partie 9 ne contient pas de solution acceptable complète pour un élément du bâtiment. Par « solution acceptable complète », on entend une solution contenue dans la partie 9, sans renvoi à une norme extérieure ou à une autre partie du CNB.
Voici quelques exemples de cas où il n’existe pas de solution acceptable complète dans la partie 9 du CNB :
- Fondations dans le pergélisol
- Fondations sur pieux
- Structures en acier
- Charpentes en béton
- Structures en bois d’ingénierie
- Élément structural avec une portée de plus de 12,20 m
- Fermes de toit
- Constructions en zone de forces dues au vent et aux séismes extrêmes
- Travaux en sous-œuvre
Certains établissements d’usage agricole sont également assujettis à la Loi sur les ingénieurs, notamment les silos et les ouvrages de stockage de déjections animales, ainsi que les établissements agricoles ayant, après réalisation des travaux :
- au plus un étage, des poteaux d’ossature extérieure de plus de 3,6 m de hauteur, une aire de bâtiment de plus de 600 m2 et une hauteur de plus de 6 m calculée à partir du niveau moyen du sol jusqu’à leur faîte;
- au plus deux étages et une aire de bâtiment de plus de 150 m2.
Si vous répondez oui à ces deux questions, l’intervention d’un ingénieur ou d’une ingénieure est probablement requise, et vous devriez en aviser votre client ou cliente sans délai.
Pour obtenir plus d’information
En cas de doute sur la nécessité de faire appel à un ingénieur ou une ingénieure, consultez l’outil d’aide à la décision publié sur le site de l’Ordre
des ingénieurs du Québec.
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Vous pouvez également soumettre vos questions par courriel à [email protected]
* L’OIQ et l’OAQ ont collaboré à la rédaction d’articles concernant leurs champs de pratique respectifs. Le texte de l’OAQ sera publié dans le numéro juillet-août de la revue PLAN.
Mesure de la superficie
À la différence de la Loi sur les architectes, la Loi sur les ingénieurs ne réfère pas à la superficie brute totale des planchers, mais à l’aire de bâtiment. Cette mesure correspond à la plus grande surface horizontale du bâtiment au-dessus du niveau moyen du sol, calculée entre les faces externes des murs extérieurs ou à partir de la face externe des murs extérieurs jusqu’à l’axe des murs coupe-feu.
Les notes « voir ingénieur »
Dans le cadre des enquêtes en exercice illégal, il arrive que l’OIQ constate que des plans préparés par des architectes fournissent des détails assez précis concernant des éléments qui relèvent de l’ingénierie. Par exemple, l’architecte inclut dans son plan des spécifications concernant les semelles de fondation, la conception des éléments de charpente, les dimensionnements structuraux de métaux ouvrés, de garde-corps ou de verres à fonction structurale. L’architecte croit se protéger en ajoutant au plan la note « Voir ingénieur pour les éléments de structure ». Cependant, il arrive que l’entrepreneur, ayant l’essentiel des informations requises, décide d’ignorer la note et de soumissionner, d’acheter les matériauxet de procéder aux travaux sans faire vérifier et compléter la conception des éléments structuraux par un ingénieur ou une ingénieure. Cette manière de procéder peut générer des ambiguïtés quant aux éléments à fournir par l’entrepreneur ou encore des divergences entre les coûts de soumission et les coûts des travaux. Pour éviter ces situations, mieux vaut s’abstenir d’inclure dans les plans d’architecte de l’information relevant du champ de pratique de l’ingénierie et de plutôt référer aux plans ou spécifications de l’ingénieure ou de l’ingénieur.
Les maîtres électriciens et les maîtres mécaniciens en tuyauterie peuvent-ils préparer les plans pour les systèmes électriques et mécaniques d’un bâtiment assujetti à la Loi sur les ingénieurs ?
La Loi mentionne que la préparation des plans pour les systèmes électriques, mécaniques et thermiques d’un bâtiment assujetti à la Loi est réservée aux ingénieurs et ingénieures. Cependant, la Loi permet à certaines personnes de préparer ces plans, sous certaines conditions. Ainsi, les plans relatifs aux installations de tuyauterie peuvent être préparés par un ou une membre de la Corporation des maîtres mécaniciens en tuyauterie du Québec. De même, les plans relatifs aux installations électriques des bâtiments peuvent être préparés par un ou une membre de la Corporation des maîtres électriciens du Québec.
Ces personnes peuvent préparer des plans seulement pour les travaux qu’elles exécutent elles-mêmes dans leurs domaines d’expertise respectifs.