André Yelle, architecte réputé pour ses réalisations dans les domaines de la santé et de l’habitation, est décédé en mars dernier à l’âge de 65 ans. Il laisse un grand vide chez ceux et celles qui l’ont connu.
André Yelle était plus qu’un collègue pour l’architecte Benoit Laforest, associé principal de Provencher_Roy. Il était surtout un ami très proche. Les deux se fréquentaient depuis le milieu des années 1980. Ils ont eu l’occasion de travailler ensemble sur des projets du domaine de la santé, dans le contexte de consortiums. Parmi les plus marquants, citons l’Hôpital de Vaudreuil-Soulanges, toujours en construction, et l’agrandissement de l’Hôpital du Sacré-Coeur-de-Montréal, lauréat d’un Grand Prix du design et d’un prix Architizer A+ en 2023.
Concevoir pour les malades et le personnel soignant
Benoit Laforest confie avoir beaucoup appris d’André Yelle, en particulier de sa manière d’approcher les maîtres d’ouvrage et de conduire des projets dans
le secteur public.
« André avait des standards de qualité très élevés, souligne-t-il. Sous une allure calme, il dissimulait une grande ferveur et une passion pour le métier. Il a toujours recherché l’excellence, et quand je regarde nos réalisations, je ressens beaucoup de fierté. »
André Yelle affichait un grand souci pour l’expérience vécue par la clientèle des établissements auxquels il travaillait, notamment les personnes malades. Il se demandait toujours comment la contribution de l’architecte pouvait améliorer leur quotidien et celui du personnel.
« Il portait une grande attention aux perspectives sur l’extérieur, à la lumière naturelle, à la manière de s’orienter dans l’espace et à la qualité des matériaux, précise Benoit Laforest. Il recherchait les styles et les matériaux qui favoriseraient la pérennité d’un projet. »
La qualité avant tout
André Yelle amorce sa carrière en 1981, après avoir obtenu son diplôme de l’Université Laval. Il travaille d’abord chez Tétreault, Parent, Languedoc (TPL), une firme très active dans le domaine de la santé. Pierre Corriveau, architecte fondateur d’Archi— et président de l’Ordre des architectes du Québec, l’a côtoyé à ses débuts.
« Il démontrait déjà une assurance surprenante, raconte-t-il. Il était très studieux et effectuait beaucoup de recherches pour étoffer ses propositions. Il ne lâchait pas tant qu’il n’avait pas trouvé une solution satisfaisante à un problème. »
Chez TPL, André Yelle gagne en expérience et acquiert le respect de ses pairs, si bien que son opinion pèse dans certaines discussions corsées. Gilles Maillé, qui a travaillé dans le même bureau, se rappelle l’agrandissement d’un centre de recherche de l’Hôpital général de Montréal, projet réalisé en gérance de construction et en mode accéléré. Dès que des parties de la conception étaient avancées, elles étaient envoyées aux ingénieurs, qui démarraient la production de leurs plans et devis.
Tout près de la fin de ce processus, André Yelle imagine une nouvelle manière d’optimiser l’aménagement des laboratoires. S’ensuit une réunion tendue, lors de laquelle le président de TPL arrive à convaincre le représentant de la firme d’ingénieurs électromécaniques de reprendre ses plans et devis en fonction de la récente conception. « Cela a confirmé à André qu’il devait toujours défendre les éléments qui étaient dans l’intérêt du projet et des gens qui l’utiliseraient », affirme Gilles Maillé.
L’aventure YMA
En 1994, André Yelle et Gilles Maillé quittent le cabinet TPL pour fonder leur propre bureau, Yelle Maillé architectes (YMA). « C’était comme abandonner le vaisseau amiral et se retrouver dans une chaloupe », se rappelle Gilles Maillé. Ils s’installent alors dans le Vieux-Montréal.
À l’époque, aucun des deux ne roulait sur l’or. D’ailleurs, ils possédaient chacun une voiture dont les meilleurs jours étaient loin derrière. À un point tel qu’ils avaient adopté une règle : toujours se stationner à une certaine distance afin que clients et clientes ne voient jamais leurs bagnoles ! L’effectif du cabinet passera rapidement à huit personnes vers 1999, puis à une vingtaine au début des années 2000. Il en compte aujourd’hui 50.
Chez YMA, André Yelle a conçu des édifices résidentiels, notamment Place des Nations 1 et 2, dans l’arrondissement de Saint-Laurent. Place des Nations 1 est certifié LEED Or. Plusieurs de ses projets immobiliers ont d’ailleurs reçu une certification LEED.
Il a également contribué à la réalisation ou à la modernisation de nombreux centres hospitaliers, dont l’Hôpital pour enfants du Centre universitaire de santé McGill, le Centre de cancérologie pour enfants Charles-Bruneau, le nouveau Centre hospitalier de l’Université de Montréal et de nombreux CHSLD.
Un homme à l’écoute
En 2022, les deux partenaires ont nommé trois associés principaux, dont l’architecte Maryse Barrette, dans le cadre d’un processus de transmission du cabinet à la relève. Cette dernière a collaboré avec André Yelle à différents types de projets, dans les domaines de la santé, de l’habitation et même de l’éducation, notamment l’agrandissement du Pensionnat du Saint-Nom-de-Marie.
« C’était un homme calme et posé, capable de relativiser les choses dans les situations stressantes, raconte-t-elle. Il savait se mettre en mode solution rapidement. Le voir travailler a beaucoup contribué à ma formation. »
Elle ajoute qu’il se montrait très ouvert aux commentaires et aux idées des autres. « L’équipe pour lui, c’était tout le consortium, pas seulement notre firme, explique-t-elle. Tout le monde pouvait exprimer ses idées ou ses objections, même les architectes en début de carrière. » Benoit Laforest soutient pour sa part que le milieu de l’architecture ne perd pas qu’un grand architecte, mais aussi une très bonne personne. « Vous ne trouverez personne pour dire du mal d’André, avance-t-il. Il était très honnête et empreint de belles valeurs. Je peine à mesurer la perte que son départ représente. »