Lorsque Marguerite Bourgeoys s’installe à la maison Saint-Gabriel en 1668 pour y fonder la congrégation Notre-Dame de Montréal, elle souhaite permettre à sa communauté d’être autosuffisante. Trois cent cinquante-cinq ans plus tard, la maison ancestrale est encore en parfait état. Le secret de sa conservation ? Une maintenance rigoureuse et une vision à long terme.
Les religieuses de la congrégation ont toujours fait des choix visant la longévité des infrastructures », explique Véronique Saint-Pierre, directrice générale de la maison Saint-Gabriel, située dans le quartier Pointe-Saint-Charles, à Montréal. « Elles ont misé sur la qualité des matériaux de remplacement et se sont assurées que l’entretien est continu. »
Carnet de santé et guide d’entretien
Les religieuses sont toujours propriétaires de cette maison, classée monument historique en 1965 et aujourd’hui devenue un musée. L’organisme à but non lucratif Maison Saint-Gabriel, qui est gestionnaire du site, a récemment fait réaliser un carnet de santé* de la maison par l’archi-tecte Louis Brillant et son équipe afin de planifier les réparations à venir. « La maison représente leur legs, poursuit Véronique St-Pierre. Cet exercice visait entre autres à savoir quelle somme d’argent prévoir pour le prochain siècle afin de préserver le patrimoine construit. »
L’équipe d’architectes a également élaboré un guide d’entretien qui précise non seulement les matériaux à utiliser pour les réparations, mais aussi les méthodes à privilégier pour chaque restauration. « Par exemple, pour remplir les fentes entre les lattes de bois du grenier, deux méthodes ont déjà été utilisées, soit l’insertion de lamelles de bois et l’application d’un mélange de sciure de bois, de colle et de fibre de laine d’acier. Le guide décrit les deux techniques pour les réparations futures. »
Ce guide détermine aussi les éléments qui sont essentiels à la cohérence esthétique de la maison. « On a notamment établi la logique des couleurs de la pein-ture, ajoute Véronique St-Pierre. Par exemple, les allèges des fenêtres sont ivoire, le bas des murs est bleu marial, les plafonds sont blancs, etc. On s’est rendu compte que cela n’avait pas toujours été respecté. On souhaite que la peinture soit désormais uniformisée lorsqu’il y a des pièces à repeindre. »
Planifier longtemps à l’avance
Qui dit maison patrimoniale dit techniques de restauration ancestrales. Afin de conserver le cachet du bâtiment, la Maison Saint-Gabriel fait appel à des artisanes et des artisans qui maîtrisent les méthodes d’antan. Mais comme l’expertise et la main-d’œuvre se font rares, il est essentiel de préparer un plan d’entretien longtemps à l’avance, d’autant plus qu’il faut aussi composer avec la rareté des matériaux utilisés. Par exemple, certains types de bois doivent être séchés et vieillis pendant des années avant d’être employés pour des travaux de restauration.
Et comme la maison a une vocation de musée, l’exécution des travaux doit être planifiée de manière à ne pas nuire aux visites. Toutefois, Véronique St-Pierre admet qu’il est impossible d’accueillir des milliers de gens à l’intérieur de la maison sans en dégrader l’état. « On organise nos visites de différentes façons pour préserver la maison. Certaines visites, par exemple, se déroulent entièrement à l’extérieur. Le plus important pour la congrégation, c’est de garantir l’avenir du bâtiment. »
Bref, en acquérant la maison Saint-Gabriel, Marguerite Bourgeoys était probablement loin de se douter que le bâtiment serait un modèle de maintien d’actifs trois siècles et demi plus tard.
* Voir « Petit lexique du maintien des actifs ».