Refuser un cadeau
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Les cadeaux un peu trop généreux échangés dans un contexte professionnel peuvent avoir l’apparence d’un conflit d’intérêts. Voici des pistes pour juger de ce qui est acceptable sur le plan déontologique.

Une boîte de chocolat, une bouteille de vin, des billets pour un match des Canadiens, des cartes-cadeaux d’un fournisseur… Dans le cadre de sa pratique, il peut arriver que l’architecte se voie offrir ou offre des cadeaux en guise de remerciement ou pour souligner une occasion spéciale.

Or, en principe, l’architecte ne doit accepter ou offrir que des cadeaux de valeur modeste (article 41 du Code de déontologie des architectes). Mais comment déterminer si un cadeau est effectivement modeste ?

De prime abord, il faut se demander quelle serait la perception du public s’il avait connaissance de ce cadeau. Pourrait-on penser qu’une telle gratification mine l’indépendance professionnelle de l’archi­tecte ou entraîne un conflit d’intérêts (articles 37 et 38 du Code de déontologie) ? En effet, il est possible que le geste soit interprété par des tiers comme visant à favoriser une transaction ou à obtenir un contrat. Dans un tel cas, il est préférable de s’abstenir.

Encadrer la pratique

Comme n’importe quelle organisation, une firme d’architecture a tout avantage à se doter d’une politique interne établissant des balises claires à l’égard des cadeaux. Dans un guide qu’il a conçu à propos de l’implantation de la norme anticorruption ISO 370011, le consultant et auditeur certifié Serge Barbeau précise qu’une telle politique peut avoir pour but d’interdire complètement les cadeaux ou de les limiter selon certains paramètres, tels que :

  • le montant maximal, selon le type de cadeau ou le contexte (par exemple, un repas à 200 $ peut être considéré comme normal dans certains milieux, mais excessif dans d’autres);
  • la fréquence (de petits cadeaux offerts de manière répétée peuvent finir par atteindre une valeur importante);
  • le moment (par exemple, les périodes proches des négociations entourant un appel d’offres sont à éviter);
  • l’identité du ou de la bénéficiaire (par exemple, en période de négociation, la prudence est de mise à l’égard des personnes susceptibles d’octroyer des contrats ou d’approuver des permis, des certificats ou des paiements);
  • la réciprocité (la valeur d’un cadeau reçu ne doit pas être supérieure à celle d’un cadeau qu’on a le droit d’offrir);
  • l’environnement légal et réglementaire.

La politique peut également prévoir certaines conditions, telles que :

  • l’obligation d’obtenir l’approbation d’un dirigeant ou d’une dirigeante avant d’accepter un cadeau en dehors des paramètres définis dans la politique;
  • l’obligation de documenter toutes les occurrences de cadeaux offerts ou reçus.

En matière de dons caritatifs, de contributions politiques, de commandite et de frais promotionnels, la politique peut par exemple prévoir :

  • l’interdiction des dons qui visent à influencer ou qui pourraient être perçus comme étant de nature à influencer un processus d’appel d’offres ou une autre décision en faveur de l’organisation;
  • l’obligation d’effectuer des vérifications quant à la légitimité des organismes bénéficiaires;
  • l’autorisation des dons par un dirigeant ou une dirigeante;
  • la divulgation publique des dons;
  • l’obligation d’effectuer des vérifications quant à la conformité des dons par rapport à la réglementation applicable.

En résumé, l’architecte doit agir de manière professionnelle et objective dans ses relations avec les tiers. À titre d’autorité compétente dans son domaine, il ou elle ne doit en aucun temps miner sa crédibilité ou enfreindre son Code de déontologie.

1. Barbeau, Serge (2016). Guide d’implantation et de suivi – Systèmes de management anti-corruption – ISO 37001, version 2.2.

Extraits du Code de déontologie des architectes

Article 37 L’architecte doit ignorer toute intervention d’un tiers qui pourrait influer sur la prestation de ses services professionnels au préjudice de son client.

Article 38 L’architecte doit sauvegarder en tout temps son indépendance professionnelle et éviter toute situation où il serait en conflit d’intérêts. Sans restreindre la généralité de ce qui précède, un architecte :

  1. n’est pas indépendant s’il trouve un avantage personnel, direct ou indirect, actuel ou éventuel dans l’accomplissement d’un acte donné;
  2. est en conflit d’intérêts lorsque les intérêts en présence sont tels qu’il peut être porté à préférer certains d’entre eux à ceux du client ou que son jugement ou sa loyauté envers celui-ci peuvent en être défavorablement affectés.

Dès qu’il constate qu’il se trouve dans une situation de conflit d’intérêts, l’architecte doit la divulguer, par écrit, aux personnes en cause et leur demander si elles lui permettent d’agir ou de continuer à agir. Il doit obtenir, le cas échéant, l’autorisation écrite des personnes en cause.

Article 41 L’architecte doit s’abstenir de recevoir, à l’exception des remerciements d’usage et des cadeaux de valeur modeste, toute gratification, ristourne ou commission relative à l’exercice de sa profession. De même, il ne doit pas verser, offrir de verser ou s’engager à verser une telle gratification, ristourne ou commission.