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Une architecte est approchée pour apposer son sceau et sa signature sur des plans. Peut-elle accepter ce mandat ?

Nadège est architecte à son compte. Elle a régulièrement recours aux services de technologues en architec­ture pour dessiner les plans qu’elle conçoit. L’une de ces technologues, Laurie, la contacte au sujet d’un nouveau mandat. Un de ses clients lui a demandé de concevoir les plans d’un café qu’il compte ériger dans un nouveau projet. Laurie sait très bien que ce type de café est un bâtiment assujetti à la Loi sur les architectes et que la municipalité exigera des plans signés et scellés par un ou une architecte avant de délivrer le permis de construction. Elle a donc tout de suite pensé à Nadège, son architecte préférée !

Laurie a déjà préparé les plans du café, qu’elle a modifiés au fil de ses échanges avec le client. Elle transmet les plans approuvés par le client à Nadège, qui n’a plus qu’à vérifier la conformité du bâtiment avec le Code de construction. Nadège en profite pour proposer quelques améliorations quant à l’aménagement des pièces. Nadège signe et scelle ensuite les plans et facture quelques heures de travail à Laurie pour ses services. Laurie transmet les plans signés et scellés au client, qui les soumet à la municipalité pour obtenir son permis de construction. Le tour est joué !

Un bon plan ? Pas du tout. En agissant de la sorte, Nadège a commis la faute déontologique que l’on appelle « sceau de complaisance ». Elle s’expose à une poursuite disciplinaire et à une sanction pouvant aller jusqu’à la radiation.

Ce que dit la loi

L’article 29 du Code de déontologie des architectes confie aux architectes la responsabilité de posséder une connais­sance et une maîtrise globales des docu­ments qu’ils ou elles préparent et d’assurer la direction des personnes non architectes qui travaillent sur leurs projets.

L’obligation de direction prévue dans le Code de déontologie trouve écho dans la Loi sur les architectes, qui prévoit que nul ne peut exercer une activité professionnelle réservée aux architectes sans être membre de l’Ordre, à moins d’agir à titre de salarié et sous la supervision de l’architecte.

La notion de salarié

Dans la Loi sur les architectes, le terme « salarié » désigne les personnes qui ont un contrat de travail avec l’architecte, une firme d’architectes ou un organisme qui emploie des architectes et qui reçoivent un salaire. Le terme « salarié » désigne également les pigistes et les sous-traitants qui, dans le cadre d’un contrat de service, fournissent un service à l’architecte moyennant une rémunération que l’architecte s’engage à leur payer.

Dans la mise en situation précédente, la technologue Laurie ne peut être qualifiée de « salariée » puisqu’elle ne travaille pas pour l’architecte et qu’elle ne lui fournit pas un service dans le cadre d’un contrat. C’est plutôt Nadège, l’architecte, qui a fourni à Laurie un service qu’elle lui a ensuite facturé.

De plus, en vertu de l’article 40 de son Code de déontologie, Nadège aurait dû conclure une entente concernant ses services professionnels directement avec le maître de l’ouvrage, soit le propriétaire du café. Laurie aurait pu, par la suite, offrir ses services de technologue à Nadège pour ce projet moyennant rémunération.

« Sous la direction » de l’architecte

La notion de direction et de supervision prévue au Code de déontologie et à la Loi sur les architectes exige l’implication active et continue de l’architecte, et ce, dès le premier jour du projet. L’architecte doit assigner des tâches aux personnes sous sa supervision et en effectuer le suivi cons­tant, donner des directives et des orien­tations, assurer la réelle direction du projet et prendre les décisions détermi­nantes pour celui-ci, de l’étape conceptuelle jusqu’à la réalisation des plans. Ce n’est que dans le cadre de ce processus que les plans peuvent être signés et scellés par l’architecte.

Dans la mise en situation précédente, le fait que l’architecte ait vérifié la conformité des plans à la toute fin du projet n’est pas suffisant pour que son travail corresponde à la notion de direction. De toute évidence, c’est Laurie, la technologue, qui a elle-même analysé les besoins du client, conçu le café, préparé les plans et pris la majorité des décisions relatives à l’architecture du projet. Cette dernière pourrait d’ailleurs faire face à une poursuite pénale pour avoir exercé illégalement la profession d’architecte, puisque ce café fait partie des établissements assujettis à la Loi sur les architectes, peu importe ses dimensions.

Les bonnes pratiques

Pour éviter de vous retrouver dans la même situation que Nadège en tant qu’architecte, suivez les quelques conseils ci-dessous :

  • Vous travaillez à votre compte ? Développez des partenariats d’affaires avec des professionnels et des profession­nelles du bâtiment, comme des technolo­gues ou des designers d’intérieur. Ces personnes pourront vous recommander à la clientèle qui les approche pour la conception de bâtiments assujettis à la Loi sur les architectes, et vous pourrez ensuite retenir leurs services pour vous assister dans la préparation des plans.
  • Concluez toute entente concernant vos activités professionnelles réservées avec les maîtres de l’ouvrage, leur représentant ou représentante. Dès le début du projet, consultez-les directement pour connaître leurs besoins.
  • Si vous recourez aux services de non-architectes pour dessiner les plans que vous avez conçus, établissez des contrats de service écrits qui détaillent la portée de ces services et la responsabilité de chaque partie.
  • Si la personne qui vous assiste dans la préparation des plans ne travaille pas dans votre bureau, conservez une trace de tous les types d’échanges, écrits et verbaux, que vous avez avec elle au sujet du projet. Cela englobe tous les commentaires, modifications et annotations faits sur les plans et tout autre document.
  • C’est à la personne qui vous fournit un service de vous facturer ce service, et non l’inverse. Exigez par ailleurs des factures détaillées qui font état des tâches accomplies.
  • Refusez d’apposer votre sceau et votre signature sur des plans qui n’ont pas été réalisés sous votre direction et pour lesquels vous n’avez pas la connaissance et la maîtrise globales.

Ces bonnes pratiques pourront bonifier vos collaborations avec les autres parties prenantes de vos projets, et ce, en toute légalité.