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Comme architecte, vous est-il déjà arrivé d’hériter du dossier de quelqu’un d’autre ? La prise en charge d’un tel mandat exige un haut degré de professionnalisme.

Une architecte devient invalide et c’est vous qui êtes cessionnaire de ses dossiers. Un client vous approche parce que son projet conçu par un entrepreneur a été refusé par la Ville, qui exige des plans d’architecte. Quelle qu’en soit la raison, le transfert de dossier doit s’effectuer selon des règles bien précises. Examinons les obligations ainsi que les bonnes pratiques qui s’appliquent dans deux cas de figure.

Dossier entamé par l’autre architecte

Peu importe à quelle phase de conception en était le projet, vous pourrez raisonna­blement poursuivre le mandat jusque-là dirigé par l’autre architecte à partir du point de transfert. Vous devrez par contre, conformément à l’article 16 du Code de déontologie, examiner les documents transférés afin d’acquérir une connaissance suffisante des faits et d’être raisonnablement certain ou certaine de la solution préconisée ou de l’exactitude des documents.

En d’autres mots, vous devrez déterminer si le travail déjà effectué est aussi adéquat que s’il avait été fait sous votre direction. À défaut, il vous faudra apporter les ajustements nécessaires ou même reprendre le processus de concep­tion à la case départ. Il est important de noter qu’à partir du moment où de nou­veaux documents seront soumis, vous ne pourrez plus invoquer la responsabilité de l’autre architecte. 

Dossier entamé par un ou une non-architecte

Vous devrez mettre en place un processus encore plus rigoureux si le dossier a été entamé par une personne non architecte. Peu importe la qualité des documents transférés ou du concept proposé, vous avez alors le devoir de reprendre le processus intellectuel de conception dans son entièreté. En effet, l’article 29 du Code de déontologie prévoit que l’architecte ne peut signer et sceller des documents que s’ils ont été préparés sous sa direction ET que l’architecte en a une connaissance et une maîtrise globales.

Vous devrez donc notamment évaluer les besoins, effectuer des relevés in situ, réaliser des esquisses, vous assurer que le projet est conforme à la réglementation, revoir les choix de matériaux, estimer les coûts, etc.

Votre responsabilité est particuliè­rement grande si le dossier en question relève du champ de pratique exclusif de l’architecte. En effet, les non-architectes peuvent seulement agir sur les bâtiments décrits à l’article 16.1 de la Loi sur les architectes.

Or, il arrive fréquem­ment que des municipalités refusent d’octroyer des permis de construction en raison de cette disposition. Au grand dam du client ou de la cliente qui a déjà versé des honoraires de designer ou de technologue, l’architecte doit alors tout reprendre à zéro.

Il faut comprendre qu’un dossier transmis dans de telles circonstances constituait jusque-là une forme d’exercice illégal de la profession. Si vous vous contentiez d’effectuer une vérification du dossier, aussi exhaustive soit-elle, vous verriez alors votre geste considéré comme une contribution à cette pratique, ce qui contrevient à l’article 59(2) du Code de déontologie (voir l’article « Sceau de complaisance : une collaboration mal avisée »). Cela dit, il est tout à fait possible que la proposition élaborée précé­demment soit de qualité et qu’elle puisse être maintenue. Si tel est le cas, vous devrez consigner à votre dossier tous les docu­ments permettant d’en faire la démons­tration objective en plus de produire vos propres plans et devis.

En résumé

ACTIONS REQUISES PAR L’ARCHITECTE EN CAS DE REPRISE DE DOSSIERProvenance du dossier
ArchitecteNon-architecte
Vérification diligente des documents reçus (C.d., art. 16)
Reprise des documents (C.d., art. 29) 
Reprise de l’ensemble du processus intellectuel de conception (C.d., art. 59(2)) 

Extraits du Code de déontologie des architectes

Article 16 Lorsque l’architecte formule un avis, donne un conseil ou produit un plan, un devis ou tout autre document dans l’exercice de sa profession, il doit avoir une connaissance suffisante des faits et être raisonnablement certain de la solution préconisée ou de l’exactitude du document.

Article 29 L’architecte ne peut signer et, selon le cas, sceller un document qu’il prépare dans l’exercice de sa profession que s’il est complet relativement aux fins qui y sont indiquées et qu’il en a une connaissance et une maîtrise globales.

L’architecte peut, dans les mêmes conditions, signer et, selon le cas, sceller un document qui a été préparé par l’une des personnes suivantes :

  • a)  une personne qui travaille sous sa direction;
  • b)  un autre architecte, qui exerce au sein de la même société ou qui agit comme collaborateur dans le cadre d’un même projet, ou une personne qui travaille sous la direction de cet architecte.

Article 59 […] est dérogatoire à la dignité de la profession le fait pour un architecte :

  1. […]
  2. de participer ou de contribuer à l’exercice illégal de la profession d’architecte;
  3. […]