Maison de la littérature
Maison de la littérature, Québec, Chevalier Morales Architectes. Grand Prix d'excellence en architecture 2017. Photo : Chevalier Morales Architectes

À l’occasion de la période touristique estivale, l’Ordre a fait parvenir aux médias une lettre ouverte de son président concernant l’état alarmant du patrimoine bâti au Québec. Cette lettre a été reprise dans les quotidiens Le Nouvelliste et Le Devoir. Nous la reproduisons ci-dessous.

Par Pierre Corriveau, président de l’Ordre des architectes du Québec

Beaucoup d’entre nous prennent leurs vacances au Québec cet été. C’est une bonne chose parce que le Québec a beaucoup à offrir, notamment grâce à son patrimoine bâti. Or, ce dernier est gravement menacé, comme le rappelle régulièrement l’actualité.

Abandon, détérioration, démolition

Dans son plus récent rapport, la vérificatrice générale déplore le sort inquiétant réservé aux bâtiments patrimoniaux du Québec, qu’il s’agisse de maisons, de couvents, d’églises, de commerces ou d’usines. Faute de moyens, tant au ministère de la Culture et des Communications (MCC) que dans les municipalités, ces marqueurs irremplaçables qui donnent à notre territoire son caractère unique sont en train de disparaître ou d’être altérés à un rythme alarmant.

En effet, il n’est pas une semaine sans qu’on ajoute une balafre à ce qui contribue à définir notre identité collective, malgré les efforts de citoyens et d’élus. Les pertes s’accumulent, et les avis de décès sont accompagnés, trop tard, des regrets d’usage. Si rien n’est fait, l’abandon, la détérioration puis la démolition se poursuivront, entraînant les mêmes conséquences irrémédiables.

Pourtant, même s’ils ont perdu leur fonction d’origine, la plupart de nos édifices patrimoniaux offrent un formidable potentiel de conversion. Par exemple, à Sherbrooke, l’église Christ-Roy est devenue un centre d’escalade ; à Warwick, un presbytère a été transformé en fromagerie artisanale ; à Québec, un temple presbytérien s’est mué en Maison de la littérature. Encore trop rares, les projets de ce type ont de quoi nourrir notre soif de découverte, notre créativité, notre entrepreneuriat local et notre fierté.

L’importance du contexte

Il faut garder en tête que la sauvegarde et la mise en valeur d’un bâtiment patrimonial dépendent beaucoup du contexte dans lequel il s’inscrit. S’il subsiste comme le vestige d’un passé révolu parmi des constructions sans rapport avec lui, on finira par s’en désintéresser et par le négliger. Si, par contre, il contribue à la beauté d’un ensemble, au sentiment d’appartenance des citoyens et citoyennes et à la fréquentation d’un lieu, on voudra en prendre soin et s’assurer que ce qui est bâti autour lui rende justice.

La problématique interpelle donc non seulement le MCC, mais aussi le gouvernement, les municipalités, les propriétaires et, au bout du compte, toute la société québécoise.

Profiter de la Stratégie québécoise de l’architecture

La vérificatrice générale recommande ainsi au MCC d’élaborer et de diffuser une stratégie du patrimoine présentant une vision claire, des résultats à atteindre et des acteurs à responsabiliser.

Heureusement, le MCC ne part pas de zéro. Depuis plus d’un an, il élabore la toute première Stratégie québécoise de l’architecture, à laquelle l’Ordre des architectes du Québec a d’ailleurs collaboré. Cette stratégie vise une contribution de l’architecture à l’identité culturelle et à la vitalité des milieux, ce qui implique bien sûr l’apport du patrimoine. Bien qu’elle ne concerne que les projets que le gouvernement entreprend ou subventionne, elle a pour but de renforcer l’exemplarité de l’État, et cela représente un jalon important.

L’Ordre appuie la recommandation de la vérificatrice générale à propos d’une stratégie vouée au patrimoine. Toutefois, compte tenu de l’urgence et de la somme de travail qui lui a déjà été consacrée, l’Ordre estime que la Stratégie québécoise de l’architecture doit entrer en application dès maintenant afin d’ouvrir la voie à l’élaboration d’un plan clair englobant toutes les facettes du patrimoine.

Il appartient à présent au MCC d’insuffler une vision d’ensemble en la matière, mais aussi à toutes les instances du gouvernement de l’appuyer avec vigueur et conviction, au nom de notre identité collective.