Construire, c’est prévoir. Étant donné l’importance du maintien des actifs pour la pérennité des bâtiments, il est primordial d’y songer dès la conception d’un ouvrage.
Envisager le maintien des actifs* dès la conception d’un projet devrait toujours être prioritaire, selon Karine Faucher-Lamontagne, architecte associée chez STGM. Or, lors de la construction, les donneurs d’ouvrage privilégient souvent le coût au détriment de l’analyse du cycle de vie* ou de la durabilité des matériaux. « On n’opte pas pour la durabilité, mais pour arriver au budget qui a été décidé en haut lieu, confirme Anik Lefebvre, associée chez Provencher Roy, qui mène surtout des projets avec le gouvernement. Ce qui est plus facile à couper, ce sont les matériaux utilisés pour la finition, notamment. C’est dommage. »
La facilité d’entretien ou de remplacement doit elle aussi faire l’objet d’une attention particulière au moment de la conception, d’après l’associée de STGM. « Par exemple, un hall d’entrée sur trois étages dans un espace public, c’est magnifique. Mais comment va-t-on entretenir ou changer un luminaire qui a nécessité une grue au moment de son installation ? »
Anik Lefebvre mentionne en outre l’importance de prévoir l’emplacement des accès aux grandes salles de mécanique dès la conception, notamment en ce qui concerne les hôpitaux. « On sait d’avance qu’il y aura là des équipements à remplacer, comme de gros systèmes de ventilation. Souvent, prévoir des portes n’est pas esthétique, alors on va plutôt penser à une section de mur qu’on pourra facilement démonter pour permettre de faire entrer ou sortir un équipement. »
Outils technologiques… et inspection physique
La plateforme BIM (pour building information modeling ou bâti immobilier modélisé) permet bien sûr de prévoir le maintien d’actifs au moment de la conception.
« C’est presque infini les possibilités qu’offre le BIM », indique Karine Faucher-Lamontagne. On peut calculer les quantités de matériaux nécessaires, leur durée de vie, prévoir quand ils devront être remplacés et même y inclure les bons de commande. « Si on y insère bien les informations, le propriétaire du bâtiment n’a même plus besoin des catalogues. »
Encore faut-il que l’utilisation du BIM se répande auprès des gestionnaires d’immeubles responsables du maintien des actifs (voir « Un bilan de santé des bâtiments, de A à E »).
Après la construction, l’architecte peut continuer de jouer un rôle d’accompagnement. « Ce que le gouvernement recommande, et c’est une bonne pratique dans la profession, c’est qu’une fois tous les cinq ans, un architecte, un technologue en architecture ou un professionnel du bâtiment fasse une inspection de la construction, souligne Karine Faucher-Lamontagne. Est-ce que le bâtiment vieillit bien ou montre-t-il des signes de vieillissement prématuré ? On avise le propriétaire des changements à effectuer, et à quel moment. »
* Voir « Petit lexique du maintien des actifs ».
Selon Me Marie-Pierre Bédard, directrice du service des sinistres à la direction du fonds d’assurance de l’OAQ, tant que la conception se qualifie de service professionnel, les architectes sont protégés en matière de responsabilité professionnelle. « La limite d’assurances est la même pour tous et toutes, peu importe ce qui est prévu dans la conception et les matériaux utilisés. » En revanche, un ou une architecte ne peut pas garantir la performance ou la durée de vie de matériaux, et il ou elle doit s’assurer de rester dans son champ de compétence et ne pas se prononcer, par exemple, sur des services qui relèveraient de l’ingénierie.