De plus en plus d’entreprises offrent des solutions préfabriquées pour la réalisation de bâtiments. Les architectes peuvent bien sûr contribuer à de tels projets, à condition de respecter la réglementation en vigueur. Tour d’horizon.
La préfabrication peut apporter son lot d’avantages à l’industrie de la construction : selon des adeptes, elle permettrait de bâtir plus vite et mieux pour moins cher.
Il faut distinguer deux types de projets où l’on a recours à la préfabrication. Dans le premier, un constructeur propose à l’architecte ou au client de réaliser l’ouvrage décrit aux plans et devis en le préfabriquant en usine pour ensuite l’assembler au chantier. Pour l’architecte, cela change peu de choses par rapport à une construction in situ, outre le fait que ses visites de chantier peuvent avoir lieu à différents emplacements, soit sur le site du projet ou en usine.
Le deuxième concerne les projets conçus à partir de composantes préfabriquées, de détails types fournis par le constructeur ou de tout autre élément qui s’y apparente (par exemple, une composition de toiture ou de mur). C’est principalement dans ce type de projet que les architectes doivent prendre certaines précautions.
En effet, la Loi sur les architectes et les règlements qui en découlent continuent de s’appliquer en situation de préfabrication.
Voyons quelques cas de figure.
1. Un constructeur peut-il concevoir un bâtiment préfabriqué ?
Oui, à certaines conditions. Le bâtiment doit figurer parmi les bâtiments non assujettis à la Loi sur les architectes, énumérés à l’article 16.1. Généralement, il s’agit des bâtiments d’usage C, D, E ou F3 qui font moins de 300 m2 sur un maximum de 2 étages. Étant donné que la préparation des plans et devis pour de tels bâtiments ne fait pas partie du champ d’exercice exclusif de l’architecte, un constructeur peut parfaitement offrir le service. Consultez l’outil d’aide à la décision élaboré par l’OAQ pour vérifier si un bâtiment fait partie du champ d’exercice exclusif de l’architecte ou non.
2. Un constructeur peut-il offrir un bâtiment préfabriqué assujetti à la Loi sur les architectes en mode clés en main ?
Oui, à certaines conditions. Le constructeur doit retenir lui-même les services d’un ou d’une architecte ayant souscrit l’assurance complémentaire offerte par le fonds d’assurance de l’OAQ. De son côté, l’architecte qui a le mandat de concevoir le bâtiment doit s’assurer que le contrat entre le constructeur et le client est bel et bien de type clés en main. À cet effet, consultez l’article « Contrats : qu’est-ce qu’un projet clés en main ? ». De plus, même si le constructeur est son client, l’architecte doit sauvegarder son indépendance professionnelle. Ainsi, il ou elle doit refuser de se plier à des demandes qui sont contraires aux codes et normes en vigueur ou encore aux règles de l’art prévalentes dans la profession.
3. Dans le cas d’un bâtiment assujetti à la Loi, est-ce que l’architecte peut revoir des prétendus dessins d’atelier réalisés par un constructeur si ceux-ci n’ont pas été préparés sur la base de plans et devis eux-mêmes préparés par un architecte ?
Non. L’architecte qui accepterait un tel mandat enfreindrait le Code de déontologie. Il faut savoir qu’un constructeur qui concevrait un bâtiment assujetti à la Loi exercerait illégalement la profession d’architecte. Donc, le fait pour l’architecte de revoir les dessins d’atelier de ce bâtiment le ou la placerait en situation de complicité en vertu de l’article 59.2 du Code.
4. Dans le cas d’un bâtiment assujetti à la Loi, est-ce qu’un client peut mandater l’architecte pour préparer les plans d’un bâtiment préfabriqué à partir du concept proposé par un constructeur ?
Oui, mais… L’architecte doit s’assurer de refaire l’ensemble du processus intellectuel de conception. La vérification d’un concept ou de documents préalablement produits par des non-architectes ne sera jamais suffisante, aussi exhaustive soit-elle. L’architecte qui s’en contenterait pourrait se placer en situation de « sceau de complaisance » et, donc, en contravention de l’article 29 du Code de déontologie. Pour en savoir plus sur les modalités de reprise de projet, consultez l’article « Vos devoirs en cas de transfert de dossier ».
5. Est-ce que l’architecte mandaté par son client peut concevoir un bâtiment à partir de composantes préfabriquées ou selon des détails types provenant d’un constructeur ?
Oui. Au même titre que l’architecte assemble différentes composantes dans un projet traditionnel (fenestration, isolation, système d’étanchéité, etc.), il ou elle peut travailler de concert avec un constructeur pour élaborer les plans et devis d’un futur bâtiment. Comme toujours, il est capital que l’architecte préserve son indépendance professionnelle et apporte tous les ajustements nécessaires aux éléments de référence.
En résumé, les architectes peuvent très bien participer à des projets recourant à la préfabrication. Cela ne doit toutefois pas éclipser leur rôle de conception, qui a pour but la production de bâtiments sécuritaires et adaptés aux besoins exprimés dans la commande.