Le rôle des architectes de la fonction publique est peu visible et mal connu. Il est temps de le mettre en lumière !
Je me souviens d’une époque où les architectes qui se retrouvaient dans la fonction publique étaient pris de haut par ceux et celles qui avaient « réussi » leur carrière. On se les représentait grattant du papier, tandis que les autres y déposaient avec talent les esquisses de leurs créations.
Cette perception ne donnait pas d’emblée le goût de s’investir dans une pratique pourtant essentielle à la qualité architecturale. Et je crains fort qu’elle subsiste aujourd’hui. Selon l’étude socioéconomique publiée cette année par l’OAQ, seulement 12 % des étudiants et étudiantes en architecture souhaiteraient faire carrière dans le secteur public. C’est franchement peu si on considère le besoin réel d’architectes dans l’arbre décisionnel.
Cette perception, il faut donc la déconstruire, et c’est à cet exercice que veut contribuer l’article en couverture de ce numéro d’Esquisses.
La créativité autrement
Qu’il s’agisse de gérer des projets d’architecture, de définir les besoins ou de faire évoluer la réglementation, les architectes de la fonction publique peuvent exercer une influence majeure sur le cadre bâti au Québec. Bien que ces architectes fassent souvent peu de conception architecturale à proprement parler, leur créativité s’exprime sur d’autres fronts. Et Dieu sait que ces fronts en ont besoin, de créativité.
S’il leur faut souvent s’abstenir de tenir le crayon, il revient aux architectes du secteur public de transmettre à leurs vis-à-vis du privé leur connaissance fine de la clientèle concernée par les projets d’architecture de leur organisation. Leur sens aigu de la fonctionnalité les rend aptes à déterminer si le concept proposé répond aux besoins exprimés. Leur compréhension des enjeux entourant les projets leur permet d’enrichir les propositions de commentaires pertinents et perspicaces. Et, loin d’être inutilisée, leur compétence en matière de conception architecturale leur fait jouer un rôle pédagogique auprès des institutions quand vient le temps d’expliquer les qualités et les possibilités des concepts sur la table.
Bien au fait du fonctionnement des administrations publiques, ces architectes peuvent aussi participer à l’élaboration de politiques, de lois ou de règlements portant sur le cadre bâti et, ainsi, y insuffler les valeurs de la profession. Il serait exagéré de dire que leurs recommandations sont toujours suivies, mais ils et elles ont là une formidable occasion d’exercer une influence constructive.
Toutefois, cette voie n’est pas toute tracée d’avance. Pour vouloir s’y engager, il faut savoir qu’elle est ouverte et riche de promesses.
Inspirer la relève
Encore aujourd’hui, lorsque l’on choisit de devenir architecte, c’est trop souvent en ayant en tête une image surannée de la profession. Et malheureusement, cette image est renforcée par la formation que l’on reçoit. On apprend à créer, ce qui est fondamental, mais trop peu à gérer, ce qui est tout de même indispensable quel que soit le contexte de pratique auquel on se destine. Dans le secteur public, la gestion sera généralement notre lot quotidien, tandis qu’en pratique traditionnelle, elle nous permettra d’atteindre notre plein potentiel de création. Dans les deux cas, il s’agit de « comprendre la game », de maîtriser nos moyens et de contrôler nos actions.
Aussi, je l’ai déjà dit et j’en reste persuadé : il faut intégrer des stages professionnels au programme scolaire en architecture (voir à ce sujet mon éditorial dans le numéro d’Esquisses du printemps 2023). Ce faisant, il faut s’assurer que l’ensemble des contextes de pratique y soient représentés, y compris le secteur public, afin que chaque étudiant et étudiante puisse choisir et assumer son avenir en toute connaissance de cause.
En espérant que l’idée de diversifier la formation fera son chemin, je vous invite à découvrir les témoignages variés des architectes de la fonction publique qui ont accepté de se raconter dans les pages de ce numéro. Vous y rencontrerez des gens engagés envers leur collectivité, qui ont à cœur de laisser des ouvrages rassembleurs, utiles et durables.
Bonne lecture !