Voici quelques exemples de situations qui constituent des cas de sceau de complaisance ainsi que des conseils pour collaborer avec des non-architectes dans le respect de la déontologie.
Situation A
Un promoteur immobilier demande à une architecte de superviser son équipe interne composée de technologues et d’une dessinatrice. L’architecte scelle et signe les plans ainsi préparés.
Le problème :
- L’architecte n’exerce pas une autorité réelle sur les personnes et sur la production des documents. Aucun lien contractuel ne lie l’architecte à l’équipe, et cette dernière n’est pas tenue de se conformer à ses directives.
Conseils :
- Si vous recourez aux services de non-architectes pour dessiner les plans que vous avez conçus, établissez des contrats de service écrits qui détaillent la portée de ces services et la responsabilité de chaque partie. Une bonne pratique serait d’y indiquer l’obligation de supervision de l’architecte et le lien de subordination des non-architectes (voir l’aide-mémoire Direction du travail).
- C’est à la personne qui vous fournit un service de vous le facturer, non pas à vous de lui facturer vos services de consultation, puisque vous vous retrouveriez alors sous son autorité. Exigez par ailleurs des factures détaillées qui font état des tâches accomplies.
Situation B
Une chaîne d’épiceries désire implanter une nouvelle succursale. Son équipe de dessinateurs à l’interne a déjà produit un cahier des charges bien détaillé de l’aménagement intérieur et de l’enveloppe du bâtiment, qui reproduisent le concept propre à cette chaîne. L’entreprise fait appel à un architecte afin de reprendre les plans et d’obtenir le permis de construction.
Le problème :
- L’architecte ne peut reprendre les plans préparés par des non-membres de l’OAQ. Il doit plutôt réaliser la conception du bâtiment et de l’aménagement intérieur en considérant les standards de l’entreprise.
Conseils :
- Si les plans ont été préparés par des non-architectes, vous devrez reprendre à zéro le processus intellectuel (interpréter les besoins et contraintes du cahier des charges et le programme afin de générer la solution conceptuelle la plus appropriée).
- Si on vous propose un mandat similaire, faites valoir l’expertise que vous pourriez apporter comme architecte si vous participiez au projet dès le début.
Situation C
Une firme d’urbanisme prépare une proposition d’implantation incluant le détail des façades ainsi qu’une ébauche de l’aménagement intérieur des espaces pour un projet d’aménagement immobilier en milieu urbain. Cette proposition est approuvée par la cliente. Après autorisation du projet par le comité consultatif d’urbanisme, la firme sollicite une architecte pour compléter les plans et ainsi obtenir le permis.
Le problème :
- Le concept du projet a été entièrement élaboré par des personnes qui n’étaient pas sous la direction de l’architecte.
- De plus, si elle accepte le mandat, l’architecte sollicitée n’aura pas la liberté de faire les modifications appropriées puisqu’elle sera liée par le concept approuvé par la Municipalité.
Conseils :
- Nouez des partenariats d’affaires avec des membres d’autres professions de la construction. Ces personnes pourront vous recommander à la clientèle qui les approchera pour la conception de bâtiments assujettis à la Loi sur les architectes. De votre côté, vous pourrez diriger votre propre clientèle vers elles, en vous assurant d’en indiquer plus d’une pour éviter toute apparence de conflit d’intérêts.
- Concluez toute entente concernant vos activités professionnelles réservées avec le maître de l’ouvrage. À l’amorce du projet, consultez-le directement pour connaître ses besoins.
- Si une personne tierce agit à titre de représentante du maître de l’ouvrage, assurez-vous qu’elle est bien autorisée à le faire et demandez une preuve à cet effet.
Pour obtenir plus de détails, consultez l’article « Représentant du maître de l’ouvrage : votre interlocuteur a-t-il un mandat ? » (Esquisses, printemps 2020)
Situation D
Un designer a réalisé les plans d’aménagement intérieur d’un local situé dans un centre d’affaires de trois étages. Une architecte vérifie les plans et produit une étude de code sous la forme d’un plan scellé et signé, sur lequel sont indiqués les parcours vers l’issue et l’emplacement des séparations coupe-feu.
Le problème :
- Le bureau des permis de la Municipalité pourrait confondre le document de l’architecte avec un plan émis pour permis de construction et délivrer le permis à tort.
- Puisque le bâtiment est assujetti à la Loi sur les architectes, les plans de l’aménagement auraient dû être préparés par l’architecte ou sous sa direction dans le cas d’une collaboration avec un designer. En validant les plans préparés par un ou une non-membre de l’OAQ qui n’était pas sous sa supervision, l’architecte contribue à l’exercice illégal de la profession. Il s’agit d’une infraction au Code de déontologie.
Conseils :
- Faites preuve de vigilance vis-à-vis des demandes qui visent à régulariser des plans réalisés en contravention à la Loi sur les architectes. N’hésitez pas à informer la personne qui vous fait une telle proposition qu’elle semble agir illégalement. Invitez-la à communiquer avec l’OAQ pour toute question concernant les activités professionnelles réservées.
- Vous pouvez aussi la diriger vers la page oaq.com/loi, qui explique l’application de la Loi sur les architectes.
- Limitez-vous à la réalisation des études de code basées sur des plans de l’existant, sur des plans relatifs à des bâtiments non assujettis à la Loi sur les architectes ou sur des plans préparés par des architectes.
- Si vous désirez collaborer avec un ou une designer, retenez ses services et supervisez directement son travail. Vous pourrez ensuite sceller et signer les plans dont vous aurez dirigé la réalisation.
- Vous pourriez également avoir un contrat avec le client distinct de celui du designer. Il y aurait alors plusieurs jeux de plans. Le vôtre ferait minimalement état de l’aménagement touchant l’intégrité structurale du bâtiment, les murs et les séparations coupe-feu, les issues et leurs accès ainsi que l’enveloppe.
Situation E
Une entreprise de bâtiments agricoles préfabriqués conçoit des plans et des dessins d’atelier détaillés et quasi complets de l’enveloppe d’un bâtiment de grande envergure. Elle sollicite un architecte pour approuver les documents, réaliser l’analyse de la réglementation et planifier l’aménagement intérieur. L’architecte complète les plans et intègre les dessins d’atelier dans la version des plans émis pour demande de permis (ou pour construction), qu’il signe et scelle.
Le problème :
- Les dessins d’atelier ou plans de montage rattachés à des bâtiments assujettis à la Loi sur les architectes doivent être produits après les plans d’architecte, sur la base de ceux-ci. Toutefois, les entreprises de préfabriqué peuvent proposer leur système.
Conseils :
- Si vous appréciez le système proposé par l’entreprise, convenez d’un partenariat dans lequel vous participez au projet dès son démarrage. Assurez-vous que vos partenaires saisissent bien la valeur ajoutée de votre rôle et l’étendue de vos obligations.
- À moins que l’entreprise de préfabriqué n’agisse à titre de représentante du maître de l’ouvrage, vous devez conclure le contrat directement avec ce dernier.
Lectures complémentaires
- « Pratique illégale de l’architecture : 3 situations à éviter », Esquisses, été 2024
- « Le sceau de complaisance : une collaboration mal avisée », Esquisses, été 2023
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