Grande Place de Rimouski
Vue d’ambiance de la version retravaillée du projet de réaménagement
du site de la Grande Place de Rimouski, Sid Lee Architecture
Illustration : Sid Lee Architecture

À travers le Québec, des architectes jouent un rôle clé pour que la qualité de vie soit au cœur des projets de densification. Voici trois exemples d’aménagement dans lesquels leur vision fait son chemin.

Rimouski : Moins de stationnements, plus de vie

La volumétrie d’une proposition d’aménagement conçue par Sid Lee Architecture et Groupe Sélection pour le site de la Grande Place de Rimouski. Illustration : Sid Lee Architecture

Un centre commercial à l’abandon entouré d’un « océan de stationnements » en bordure du Saint-Laurent : c’est à cette vision qu’a été confronté l’architecte et associé de Sid Lee Architecture, Martin Leblanc, lorsqu’il s’est rendu à Rimouski en 2018 afin de mener une démarche de consultation citoyenne sur l’avenir du secteur de la Grande Place.

Au fil des années, les projets de revitalisation de ce site s’étaient heurtés au même obstacle : un acte de servitude qui réserve des espaces de stationnement à 97 propriétaires riverains, obligeant les promoteurs à obtenir leur consentement unanime.

C’est dans ce contexte que le promoteur, Groupe Sélection, et la Ville de Rimouski ont fait appel à Martin Leblanc. « J’ai voulu élargir le débat en conviant non seulement les riverains, mais toute la population rimouskoise à s’exprimer et à rêver, explique l’architecte. Nous sommes arrivés avec une page blanche. Nous leur avons demandé ce qu’ils feraient du site s’ils avaient une baguette magique. Nous voulions stimuler leur imaginaire. »

Son équipe a ensuite conçu trois propositions pour le réaménagement du secteur. « L’une d’entre elles comportait un bâti plus dense, une autre incluait davantage d’espaces verts et une dernière était axée sur les activités culturelles, dit Martin Leblanc. Nous les avons présentées à la population. »

À la suite de cet exercice à visée exploratoire, promoteur et architecte sont retournés à la planche à dessin pour intégrer les commentaires des citoyens. Groupe Sélection a réduit la hauteur maximale du bâtiment qu’il compte construire, la faisant passer de 24 à 15,5 m, et a accepté de diminuer le nombre de logements prévus de 220 à 170. Le plan de réaménagement issu de la démarche inclut aussi un stationnement souterrain, un site récréotouristique, un commerce d’alimentation et une place publique.

Le projet remanié a rallié 90 des propriétaires riverains; une majorité claire, mais insuffisante pour que le projet aille de l’avant.

La Ville a donc présenté, en juin 2019, un projet de loi privé à l’Assemblée nationale du Québec afin de modifier l’acte de servitude. Depuis son adoption, l’appui des deux tiers des propriétaires est requis. « C’est un juste équilibre entre le respect de la servitude et la capacité de la Ville d’aller de l’avant avec un projet pour ce secteur, que nous voulons redonner à la population. La balle est maintenant dans le camp du promoteur », dit le maire de Rimouski, Marc Parent. Au moment d’écrire ces lignes, ce dernier travaillait à réunir l’information nécessaire à la demande de permis, selon Mylène Dupéré, vice-présidente aux affaires publiques et aux communications corporatives chez Groupe Sélection. Un projet à suivre.

Hippodrome de Montréal : Réinventer tout un secteur

Réflexion sur le schéma d’ensemble du secteur de l’hippodrome, Montréal, Rayside Labossière Illustration : Rayside Labossière

Outre son rôle de concepteur, l’architecte peut aussi agir à titre d’expert-conseil ou d’accompagnateur des citoyens dans les projets de densification. C’est ce que fait Ron Rayside, associé principal de la firme Rayside Labossière, dans le projet de conversion du site de l’hippodrome Blue Bonnets, à Montréal.

« Le milieu communautaire se mobilise depuis 1991 pour réclamer du logement social dans ce secteur, explique-t-il. Depuis 2007, nous accompagnons bénévolement la Corporation de développement communautaire (CDC) de Côte-des-Neiges dans ses démarches. Nous avons étudié le potentiel du site et les enjeux urbanistiques qu’il soulève, comme la cicatrice de l’autoroute Décarie et la présence d’un centre commercial entre la station de métro Namur et le site de l’hippodrome. Nous avons voulu élargir la réflexion : au-delà du logement, il faut aménager un quartier complet. »

« En 2014, nous avons coorganisé avec la CDC un forum citoyen où nous avons proposé des schémas montrant la forme que pourrait prendre un tel quartier, poursuit l’architecte. Le réflexe des gens est d’aller vers une faible densité, mais nous avons voulu montrer, avec des schémas, qu’une plus forte densité peut se concilier avec la qualité de vie. Les participants ont exprimé de l’inquiétude envers la densité, mais ils la trouvaient plus acceptable lorsqu’on faisait valoir les espaces qu’on réservait aux enfants, aux piétons, et les services collectifs qu’on peut alors réunir. »

« Dans les mémoires que nous avons déposés, nous avons fait valoir qu’il faudra développer de façon cohérente l’ensemble du secteur – pas seulement le site de Blue Bonnets. Nous insistons aussi pour planifier d’abord les services, comme les écoles, les installations sportives, l’accès au métro… C’est la clé des projets de densification réussie. »

En octobre, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, annonçait la construction de 6000 logements dans le futur quartier Namur-Hippodrome (plutôt que les 8000 initialement prévus), dont 20 % de logements sociaux. La Ville souhaite également en faire un quartier carboneutre. Des annonces que Ron Rayside accueille favorablement tout en demeurant prudent : « Ce sont de bonnes orientations, mais il faudra voir les détails. » Le tout devrait se préciser à l’issue des consultations que mènera l’Office de consultation publique de Montréal en février 2020. Ron Rayside et son équipe comptent en tout cas poursuivre leurs interventions dans ce projet. « Nous, on ne lâche jamais !

Lévis : Un milieu de vie complet

Projet UMANO, Lévis. Planification urbaine : ABCP/URBAM Illustration : Groupe CSB

Un quartier où logent des étudiants, des familles, des aînés, où on peut aussi travailler, parcourir des sentiers en nature, jardiner, faire ses courses, se déplacer à vélo ou accéder au réseau d’autobus : c’est cette vision de rêve que le promoteur Groupe CSB tente de matérialiser à Lévis avec son projet UMANO.

Cette vision n’est pas née de la réglementation municipale ou de demandes citoyennes. « La Ville aurait été d’accord pour que l’on construise des tours de 20 étages », dit Bernard Serge Gagné, architecte associé des firmes ABCP et URBAM, à qui Groupe CSB a confié en 2012 le mandat de planification urbaine du projet. « Nous avons convaincu le promoteur que sa clientèle n’était pas prête à une telle densité. Nous avons plutôt proposé un crescendo dans l’échelle des bâtiments pour créer une communauté diversifiée et offrir une mixité d’usages. »

« Groupe CSB était ouvert à notre vision d’un quartier axé sur le développement durable. Nous sommes allés au-delà des exigences de la Ville en matière de préservation des espaces verts en concevant un grand parc linéaire, un geste structurant qui relie les différents éléments du projet. Nous avons aussi limité le nombre d’espaces de stationnement en tenant compte de la complémentarité des heures d’usage. Je pense que ce type de densification douce est LA façon de faire du développement urbain de qualité. »

À ce jour, 120 logements dans 3 projets distincts sont offerts en location sur le site d’UMANO, qui devrait à terme compter 2500 unités d’habitation et accueillir 1200 travailleurs.